Pour une solidarité "en règles"

Les questions de santé liées aux menstruations ne se limitent pas aux douleurs, au syndrome de choc toxique ou aux substances chimiques présentes dans certaines protections périodiques. Pouvoir tout simplement disposer de ces produits d'hygiène en fait aussi partie (1).

Des solutions de fortune, faute de moyens

Au cours de sa vie, une personne menstruée a ses règles environ 450 fois et utilise près de 11 500 produits de protection (a)(1). Si on y ajoute le coût d'éventuelles consultations médicales, d'antalgiques, de sous-vêtements, de lessive ou encore de draps, les dépenses sont estimées entre 4 500 et 23 000 euros au total, dans un pays comme la France (1).

En France, 1,5 à 2 millions de personnes en situation de précarité, sans domicile, incarcérées, jeunes ou étudiantes, ont des difficultés pour acheter suffisamment de protections, au détriment de leur hygiène, de leur santé, de leur vie sociale et professionnelle et de leur dignité (1,2). Selon un sondage auprès de 6 518 étudiantes vivant en France, une étudiante sur 10 fabrique ses propres protections pour des raisons financières, une fois sur deux avec du papier toilette ou de l'essuie-tout. Certaines disent devoir arbitrer entre cet achat et d'autres (nourriture, vêtements) (3).

Des aides ponctuelles et partielles, en France

Diverses initiatives d'associations, d'universités ou de collectivités permettent de lutter ici ou là contre ce qui est qualifié de « précarité menstruelle » (1à4).

D'autres mesures ont été prises ou sont prévues au niveau national : baisse de la TVA sur les protections périodiques de 20 % à 5,5 % en 2015 ; augmentation annoncée fin 2020 du budget de lutte contre la précarité menstruelle de 1 à 5 millions d'euros par an, sans précision sur sa répartition ; ouverture annoncée en février 2021 de 1 500 points de distribution gratuite de protections périodiques dans les universités à la rentrée suivante (2à5).

Une solidarité poussive

Ces mesures semblent bien chiches comparées par exemple à la gratuité des protections périodiques votée par les députés écossais fin 2020 (3). En France, en faisant l'hypothèse d'une aide mensuelle moyenne de 5 euros pour l'acquisition des seules protections périodiques, une enveloppe annuelle de 120 millions d'euros permettrait de soutenir environ 2 millions de personnes : un coût 24 fois supérieur au budget national annoncé, mais somme toute modeste. Comme pour trop de problématiques d'accès aux soins, l'égalité pourrait ici être assurée plus sûrement par une solidarité nationale que par des initiatives tributaires de bonnes volontés éparses.

©Prescrire

Notes

a- Le fait d'avoir des règles concerne des femmes, mais aussi des personnes de sexe anatomique féminin qui ne s'identifient pas comme femme (des personnes transgenres, par exemple) (réf. 3).

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Romeiro Dias L et Taurine B "Rapport d'information (…) sur les menstruations" Assemblée nationale 13 février 2020 ; (2691) : 107 pages.

2- Gouvernement "Olivier Véran et Élisabeth Moreno portent à 5 millions d'euros le budget alloué par l'État pour lutter contre la précarité menstruelle en 2021" Communiqué de presse du 15 décembre 2020 : 5 pages + Ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances" Courriel à Prescrire 29 avril 2021 : 2 pages.

3- FAGE, Anesf et AFEP "La précarité menstruelle chez les étudiant.e.s en France" février 2021 : 27 pages.

4- Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation "Lutte contre la précarité menstruelle : un accès gratuit aux protections périodiques pour les étudiantes" Communiqué de presse du 23 février 2021 : 4 pages + Courriel à Prescrire 27 avril 2021 : 2 pages.

5- Noël MP (membre de l'association Georgette Sand). Entretien téléphonique avec Prescrire 13 avril 2021.