Fin mai 2021, certains des pays les plus riches comptaient plus de 50 % d'adultes vaccinés contre le covid-19 et commençaient à vacciner les enfants (1,2). Le directeur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a invité ces pays à plutôt partager leurs vaccins avec les pays moins riches qui n'en ont pas assez pour vacciner les soignants, et où les hôpitaux sont submergés de patients en urgence vitale, parlant de « catastrophe morale » (1,2).
Une inégalité "Nord-Sud" criante
L'OMS et les pays riches ont mis en place l'initiative Covax, destinée à fournir des vaccins aux pays les moins riches. Mais l'objectif de fournir fin 2021 assez de vaccins pour le cinquième de la population des 92 pays concernés a peu de chances d'être atteint. Notamment parce que le principal producteur participant au dispositif Covax, le Serum Institute of India, donne la priorité jusqu'à la fin de l'année au marché intérieur, après une intensification de l'épidémie dans ce pays (1).
Fin mai 2021, il était estimé que 1,4 % de la population était vaccinée en Afrique et que 0,3 % des vaccins administrés dans le monde l'avaient été dans les 29 pays les plus pauvres, représentant 9 % de la population mondiale (1).
Lever l'obstacle de la propriété intellectuelle
En octobre 2020, l'Inde et l'Afrique du Sud ont demandé que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) suspende temporairement la propriété industrielle sur les produits de santé concernant le covid-19 (3). Une initiative soutenue par des dizaines de pays, l'OMS et de nombreuses organisations non gouvernementales, mais à laquelle se sont opposés les firmes et les pays industrialisés, notamment les États-Unis d'Amérique et l'Union européenne, ont préféré mettre en avant d'autres obstacles comme les niveaux de compétences et les nécessaires transferts de technologie pour élargir la production (3,4). Mi-2021, le nouveau président des États-Unis d'Amérique, en se déclarant favorable à cette suspension de propriété industrielle ("waiver"), a créé une nouvelle dynamique au sein de l'OMC (4).
Une chance historique à saisir
L'Union européenne est un acteur clé dans ce débat, avec les États-Unis. Mi-2021, elle restait arcboutée sur une défense sans faille de la propriété industrielle (5). Elle pourrait se rappeler avec profit le précédent de la pénicilline. De nombreuses firmes pharmaceutiques étatsuniennes ont produit des centaines de milliards de comprimés de pénicilline pendant la Seconde Guerre mondiale, grâce à des accords entre les gouvernements étatsunien et britannique pour suspendre la propriété industrielle et transférer la technologie (6).
Quatre-vingts ans plus tard, il est à nouveau demandé aux responsables des pays occidentaux d'être au rendez-vous planétaire.