De nombreuses autorisations de mise sur le marché (AMM), délivrées malgré une évaluation parcellaire, sont assorties de conditions telles que la réalisation d'essais cliniques ultérieurs : ce sont les AMM conditionnelles. Quand ces essais montrent que le médicament a une balance bénéfices-risques défavorable, l'AMM est alors parfois difficile à retirer.
La progestérone inefficace en prévention des accouchements prématurés…
En 2011, l'hydroxyprogestérone intramusculaire (Makena°) a été autorisée par l'Agence étatsunienne du médicament (FDA) dans la prévention des récidives d'accouchement prématuré, sur la base d'un essai montrant une efficacité versus placebo sur la réduction des accouchements survenus avant 37 semaines d'aménorrhée (1). L'AMM était accordée à la condition que soient produits des résultats montrant une efficacité sur les complications et la mortalité des nourrissons nés prématurément. L'essai, mené dans ce but et terminé en 2018, n'a pas montré cette efficacité (1).
Dès 2016, des résultats d'essais cliniques montraient l'absence d'efficacité de la progestérone dans cette indication (2,3). En France, depuis 2017, la progestérone vaginale (Utrogestan° ou autre) n'est plus remboursable ni agréée aux collectivités en prévention des accouchements prématurés : une façon de limiter son utilisation (4).
… mais difficile à retirer du marché
Un comité d'experts de la FDA a conclu en 2019 que les conditions de l'AMM de ce médicament n'étaient pas remplies, mais la firme a intenté une action pour s'opposer à son retrait (5). En septembre 2022, les évaluateurs internes de la FDA se sont de nouveau prononcés pour le retrait de l'AMM de Makena°, en raison de son absence d'efficacité et de ses effets indésirables pour la mère (notamment des thromboses veineuses profondes) (1). La décision finale, qui revient à la direction de la FDA, est attendue en 2023.
La firme cherche à préserver l'utilisation de Makena° chez certaines femmes. Une demande, relayée par une partie des médecins et de la population, notamment par certains groupes d'Afro-Américaines chez lesquelles les naissances prématurées sont plus fréquentes que dans la population générale (6).
Cette situation rappelle le retrait de l'AMM conditionnelle du bévacizumab (Avastin°) dans les cancers du sein aux États-Unis d'Amérique, qui a été fortement contesté par une partie des personnes concernées (a)(6,7).
La FDA estime que, si elle avait disposé en 2011 des résultats de l'essai clinique de l'hydroxyprogestérone intramusculaire publiés en 2019, elle n'aurait pas délivré d'AMM conditionnelle. Une excellente raison pour ne pas délivrer trop tôt des AMM, compte tenu aussi de la difficulté de les retirer ensuite.
Notes
a- Cela rappelle aussi l'opposition d'associations de médecins et de patients au déremboursement en France de médicaments autorisés dans la maladie d'Alzheimer (réf. 8).