Bilan 2016 du conditionnement : davantage de marketing que de santé publique

Résumé

En 2016, Prescrire a examiné les conditionnements d'environ 250 spécialités pharmaceutiques. Ces analyses pointent une fois encore quantité de défauts, sources d'erreurs médicamenteuses aux conséquences parfois potentiellement graves : étiquetages promotionnels insuffisamment sécuritaires ; dispositifs doseurs imprécis voire dangereux ; flacons de substances toxiques sans bouchon-sécurité ; notices trop peu didactiques sur les effets indésirables.

Comme depuis des décennies, la dénomination commune internationale (DCI), le vrai nom du médicament, est trop peu mise en valeur sur les étiquetages. Ce qui n'aide pas à repérer la composition d'un médicament, avec tous les risques que cela comporte.

Les gammes ombrelles en sont un exemple caricatural, avec risque de confusion entre deux médicaments de compositions différentes.

L'Agence française des produits de santé (ANSM) a publié des recommandations sur la qualité des dispositifs doseurs : elles sont potentiellement sources de progrès, sous réserve de leur mise en œuvre. Il manque toutefois une évaluation de chaque dispositif doseur en situation de soins courants.

En 2016, Prescrire a analysé environ 250 conditionnements de spécialités pharmaceutiques nouvelles et anciennes. La praticité est un élément important de la balance bénéfices-risques d'un médicament. Le conditionnement d'un médicament doit permettre son utilisation correcte en toute sécurité, dans tous les contextes. Bien conçu, il est parfois à l'origine d'un progrès thérapeutique. Mais l'analyse de plusieurs milliers de conditionnements par Prescrire montre au fil des années la même situation préoccupante : beaucoup de solutions techniques sont disponibles pour des conditionnements de qualité, mais elles sont rarement mises en œuvre. En effet, les firmes sont trop peu contraintes à la qualité par la réglementation et les agences, d'où quantité de conditionnements de qualité médiocre voire risqués pour les patients.

En 2016, en France, quels sont les dangers relevés par les analyses de conditionnements ? Y a-t-il eu des évolutions positives ?

Défauts de sécurité, sources de risques d'erreurs et d'effets indésirables

Les principaux critères d'un conditionnement de qualité sont :

  • médicament prêt à l'emploi ;

  • présentation unitaire ;

  • dénomination commune internationale (DCI) mise en valeur sur les boîtes et les conditionnements primaires (c'est-à-dire les plaquettes, flacons, sachets, etc.) ;

  • bonne lisibilité des autres mentions utiles à la prévention des risques : dosages, voie d'administration, conservation ;

  • dispositifs doseurs adaptés et précis ;

  • différenciation facile des diverses spécialités d'une même gamme ;

  • notice claire, lisible, pédagogique et informative, notamment sur les risques ;

  • prévention du risque d'ingestion accidentelle par les enfants (1).

En 2016, une fois encore, le meilleur côtoie le pire dans les conditionnements des médicaments mis sur le marché.

Injectables : parfois d'utilisation complexe

Certains médicaments injectables sont prêts à l'emploi ou faciles à reconstituer, par exemple : les vaccins grippaux en seringues préremplies ; le dulaglutide (Trulicity°) ; la follitropine alfa (Ovaleap°).

Au contraire, d'autres injectables sont plus complexes à utiliser. Certains doivent être reconstitués avant l'administration comme le carfilzomib (Kyprolis°) ; ou dilués comme le nivolumab (Opdivo°) ; ou les deux, comme la première version de Keytruda° (pembrolizumab) ; avec des risques d'erreur à chaque étape. Le stylo de l'exénatide hebdomadaire (Bydureon°) est prêt à l'emploi, mais doit être agité jusqu'à 80 fois avant injection.

Des médicaments dont l'injection est effectuée par les patients eux-mêmes ne sont accompagnés ni de seringue ni d'aiguille, comme dans le cas de Progiron° (progestérone).

Plaquettes unitaires : trop rares en ville

Les plaquettes unitaires où chaque alvéole prédécoupée affiche la DCI et le dosage, telles que Neofordex° (dexaméthasone) ou Sivextro° (tédizolid) sont un standard de clarté et de praticité. Mais en 2016, cette présentation reste encore exceptionnelle, surtout en ville. Certaines spécialités sont disponibles à l'hôpital en plaquettes unitaires mais en plaquettes non unitaires en ville, comme par exemple Brintellix° (vortioxétine) et Doliprane° (paracétamol).

Avec les plaquettes non unitaires, s'il est nécessaire de découper une dose pour une administration ultérieure, la portion de plaquette ainsi préparée affiche rarement l'ensemble des mentions utiles, notamment DCI et dosage. Un exemple parmi tant d'autres : sur une plaquette d'énalapril + lercanidipine (Lercapress°), les mentions complètes apparaissent seulement 2 ou 3 fois par plaquette de 15 comprimés. Parfois, les mentions sont imprimées de sorte qu'elles exposent à une erreur d'interprétation. Ainsi, les plaquettes de la vortioxétine (Brintellix°) disponibles en officine comportent des portions régulières prédécoupées affichant les mêmes informations : la DCI et le dosage. Mais chaque portion détachable comporte non pas un comprimé mais deux, ce qui, en pratique, rend incertaine l'interprétation du dosage.

Trop de flacons de médicaments en vrac

Les autorités de santé acceptent trop souvent des conditionnements de qualité très médiocre, à l'exemple des flacons de comprimés ou de gélules en vrac : pas de protection du médicament en dehors du flacon ; risques d'ingestion massive par des enfants notamment, surtout en cas d'absence de bouchon-sécurité. La dérive s'étend chaque année, y compris avec de nouveaux antitumoraux, comme par exemple l'ibrutinib (Imbruvica°), l'olaparib (Lynparza°), le tramétinib (Mekinist°), etc. Pourquoi ne sont-ils pas fournis dans un conditionnement de qualité, avec notamment des plaquettes unitaires claires, pratiques et sécurisées ?

Les enfants particulièrement exposés aux risques

Quant aux dispositifs doseurs examinés en 2016, une fois encore, il s'agit souvent de modèles anciens, fabriqués à grande échelle, et souvent de qualité médiocre (cuillères, gobelets, compte-gouttes). Le besoin d'améliorer la situation a été reconnu par l'Agence française des produits de santé (ANSM) (lire l'encadré "Recommandations de l'ANSM sur les dispositifs doseurs : un progrès"). Les enfants, chez lesquels les formes buvables multidoses sont très utilisées, sont particulièrement exposés aux dangers des dispositifs doseurs.

En 2016, aucun progrès pour protéger les enfants du risque d'intoxication n'a été constaté. Un exemple de laxisme dangereux concerne les sirops et solutions buvables à base de codéine. Aucun des 13 flacons disponibles en officine n'est muni d'un bouchon-sécurité. De tels bouchons sont pourtant présents sur des flacons d'amoxicilline, d'ibuprofène, de paracétamol, dont le prix est d'environ 2 euros, ce qui montre que ces bouchons n'entraînent pas un surcoût important.

En 2016, la coordination européenne des agences nationales du médicament (CMDh, alias Groupe de coordination des AMM par procédures de reconnaissance mutuelle ou décentralisée), a malheureusement renoncé à établir une liste européenne des médicaments pour lesquels un bouchon-sécurité serait obligatoire, estimant suffisante l'exigence d'afficher sur les boîtes la mention « tenir hors de la portée et de la vue des enfants » (2).

Le partage des informations sur les erreurs médicamenteuses : un intérêt scientifique important

Les conditionnements mal conçus sont sources de dangers. L'analyse des erreurs liées aux conditionnements, par exemple liées à la préparation des doses ou à l'administration du médicament, permet de mettre en place des actions pour limiter les risques ultérieurs. Et le partage des connaissances sur les facteurs contribuant à ces erreurs est formateur pour les soignants (3). Mais ces erreurs sont trop peu notifiées aux agences du médicament, et les bilans des notifications d'erreurs médicamenteuses trop peu rendus publics.

Quelques exemples d'erreurs en lien avec les conditionnements ont été rapportés dans Prescrire en 2016.

Quelques erreurs et défauts en lien avec les conditionnements

Une équipe française a mis en lumière un nombre élevé d'erreurs de préparation avec deux antibiotiques buvables anciens et très utilisés : Clamoxyl° à base d'amoxicilline et Josacine° à base de josamycine. Il s'est agi de difficultés d'homogénéisation de la suspension, de compréhension de la quantité d'eau à ajouter ou des graduations de la cuillère.

Une patiente a déclaré à un pharmacien d'officine une réaction allergique avec la Lysopaïne° à base de cétylpyridinium + lysozyme. Le pharmacien a découvert qu'en fait il s'agissait de Lysopaïne° à base d'ambroxol, ce qui montre bien le danger des gammes ombrelles de médicaments au même nom de marque mais de compositions différentes.

Des erreurs de préparation et de manipulation de la leuproréline (Eligard°) ont été à l'origine d'une perte d'efficacité du médicament. La notice a été clarifiée, mais la modification annoncée du dispositif d'administration n'a toujours pas abouti.

Un enfant de 3 ans est mort d'une surdose en tramadol (Topalgic° ou Contramal°) en raison de l'utilisation de la pipette de Doliprane° (paracétamol) pour en préparer la dose. Et des surdoses de tramadol, dont certaines mortelles, ont été rapportées chez des enfants, notamment par confusion entre le nombre de gouttes par prise et le nombre de gouttes par kg de poids de l'enfant (4à6).

Des surdoses ont aussi été rapportées avec les solutions buvables de lévétiracétam (Keppra°) en raison principalement d'erreurs d'utilisation des dispositifs doseurs. Malgré leur signalement en janvier 2016 par le Comité européen de pharmacovigilance (PRAC), début 2017 l'Agence européenne du médicament (EMA) et l'ANSM n'ont toujours pas publié leur rapport d'analyse détaillé sur les causes de ces surdoses.

Noms commerciaux : leur impact promotionnel sur les étiquetages, au détriment de la DCI

Dans l'Union européenne, les firmes ont le choix de dénommer leurs spécialités par un nom commercial, soit de fantaisie, par exemple Azopt°, soit composé de la DCI puis du nom de la firme ou d'une marque, par exemple Brinzolamide EG° (une copie d'Azopt°).

L'affichage des noms sur les boîtes et les conditionnements primaires est imposé par la réglementation européenne : en premier le nom commercial, suivi du dosage, de la forme pharmaceutique, voire des destinataires (adultes, enfants, nourrissons), puis de la DCI. En outre, il existe des recommandations établies par les agences du médicament sur la qualité des étiquetages (a)(7). Notamment, une recommandation européenne souligne l'importance d'y afficher la DCI en évidence par sécurité (8). Mais trop souvent, elle n'est pas respectée.

Noms de fantaisie : rien que du marketing

Une pratique très répandue est de donner le plus d'importance au nom de fantaisie sur les étiquetages : utilisation de gros caractères, de police en gras, de couleurs chatoyantes, d'une typographie particulière, etc. Au contraire, la DCI figure en petit, en maigre, et rarement en couleur.

Outre les noms de fantaisie, d'autres éléments marketing sont souvent survalorisés par rapport à la DCI. Dans notre exemple, sur la boîte d'Azopt°, la moitié de la face principale est occupée par le logo de la firme Alcon (un triple A) retrouvé sur d'autres spécialités de cette firme. Les autres mentions les plus voyantes sont "Azopt°" et "Alcon". Au contraire, la boîte de Brinzolamide EG° donne surtout de l'importance à la DCI.

DCI : le vrai nom des médicaments

Les DCI contiennent un segment-clé, souvent informatif d'un mécanisme d'action, d'une origine, d'une parenté chimique ou biochimique, d'un groupe thérapeutique, qui permet en général, d'établir un lien avec un profil d'effets indésirables. Au contraire, les noms de fantaisie ne sont pas conçus pour évoquer les risques auxquels les médicaments exposent, mais ont une visée promotionnelle, de mémorisation, dans le but de vendre plus.

Par exemple, la tianeptine est commercialisée depuis 1988 sous le nom de Stablon°, un mot qui évoque la "stabilité", ce qui, pour un antidépresseur, suggère une certaine efficacité. Or sa DCI, tianeptine, la rapproche de l'amineptine (ex-Survector°) retirée du marché, avec des effets indésirables graves similaires, hépatiques, neuropsychiques, cutanés. Il n'est pas étonnant que la firme choisisse de survaloriser sur la boîte le nom de fantaisie plutôt que la DCI.

Autre exemple parmi des conditionnements examinés en 2016 : Érylik° et Kétrel°, deux topiques, contiennent de la trétinoïne, une substance à écarter chez les femmes enceintes ou en situation de débuter une grossesse, en raison de sa tératogénicité. Une logique de sécurité voudrait que les étiquetages alertent de la présence de trétinoïne par une mention "frappante" sur les boîtes et les tubes. C'est malheureusement le contraire : les DCI sont en caractères maigres gris, 7 fois plus petits que ceux des noms commerciaux.

En somme, au lieu d'être considérée comme l'information primordiale d'un étiquetage, la DCI y est surtout valorisée par les firmes commercialisant des génériques. Dans les autres situations, le plus souvent, c'est le nom de fantaisie qui prédomine, en dépit des recommandations européennes d'afficher en évidence la DCI.

Disparités dans la mise en valeur de la DCI

Selon nos analyses de 2016, sur les boîtes des médicaments dont l'AMM est centralisée (et signée par la Commission européenne sur recommandation de l'EMA), les DCI sont relativement valorisées avec distinction des noms commerciaux par des caractères gras ou de la couleur.

À l'opposé, pour certains médicaments dont la procédure d'AMM est exclusivement nationale, sous le contrôle en France de l'ANSM, les DCI sont très peu visibles sur les étiquetages, comme par exemple avec la mizolastine (Mizocler°), le tramadol (Contramal°), la codéine + codéthyline (Tussipax°) examinés par Prescrire en 2016. Les procédures d'AMM nationales sont pourtant aussi régies par des règles européennes.

Par ailleurs, l'ANSM en France autorise des noms commerciaux fourre-tout composés de multiples termes dont la DCI, la forme pharmaceutique, l'arôme, la situation clinique, des symptômes, la tranche d'âge, etc., notamment pour des médicaments utilisés en automédication (7). Les étiquetages correspondants deviennent aussi un fourre-tout, avec mise en valeur de manière pas toujours optimale de certains de ces termes, la DCI étant rarement valorisée. En témoignent, les conditionnements des gammes ombrelles.

Gammes ombrelles : confusions

Les gammes ombrelles regroupent, sous un nom commercial fourre-tout unique visant à construire une notoriété de marque, des produits ayant divers usages et contenant diverses substances. En conséquence, à une seule marque comme Drill°, Fervex°, Humex° ou Lysopaïne°, peuvent correspondre plusieurs DCI. Sur les étiquetages, l'affichage de la DCI n'est guère plus mis en valeur que celle d'un arôme, par exemple. Et ce que l'on voit le plus sur les boîtes, c'est le nom commercial.

Les fortes similitudes entre les différentes spécialités des gammes ombrelles exposent les patients à des confusions et des erreurs de médicaments. Ainsi, en prenant « du Fervex° », les femmes enceintes exposent peut-être l'enfant qu'elles portent aux effets nocifs de la pseudoéphédrine, un vasconstricteur, et les conducteurs de véhicules ou d'engins s'exposent peut-être aux effets sédatifs d'un antihistaminique H1.

En 2016, l'ANSM a mis en consultation publique un projet de recommandations nationales sur les noms commerciaux dont un chapitre concerne les gammes ombrelles (7,9). Ce projet vise à encadrer les dénominations ombrelles, ce qui indique que l'ANSM ne prévoit pas de les interdire purement et simplement, ce qui serait pourtant l'option la plus sécurisante. L'ANSM prévoit seulement d'interdire les gammes comportant des médicaments de statuts différents (médicaments, compléments alimentaires, dispositifs médicaux) (7).

Effets indésirables et notices : lacunes à répétition

La notice est le document d'information destiné aux patients. Son contenu est imposé par l'une des annexes de l'AMM octroyée par les autorités. Mais le niveau d'information de la notice, sa clarté, la fréquence de ses mises à jour, dépendent notamment du résumé des caractéristiques (RCP), auquel elle doit se conformer. De fait, chaque année, Prescrire repère des omissions de risques dans les RCP et notices de médicaments nouveaux ou anciens. En voici quelques exemples identifiés en 2016.

Manque de hiérarchisation des effets indésirables

Lors d'une nouvelle AMM, les effets indésirables mentionnés dans le RCP proviennent des informations retenues par les firmes à l'issue des essais cliniques, et de leur analyse par les agences du médicament. Or les essais cliniques sont rarement conçus pour cerner le profil d'effets indésirables, ce qui rend leur évaluation souvent faible au moment de l'AMM (10). Au final, la première version d'un RCP et celle de la notice d'un médicament nouveau mentionnent peu d'effets indésirables (11). Les risques incertains sont plus ou moins clairement annoncés.

À titre d'exemple du manque de hiérarchisation des effets indésirables dans les RCP et notices, on peut citer le cas de l'idébénone (Raxone°), proposée dans une neuropathie optique rare. Elle a été évaluée chez seulement quelques centaines de patients. Son dossier d'évaluation clinique mentionne déjà deux cas d'atteinte hépatique grave potentiellement liée à la prise d'idébénone, ce qui justifie une attention particulière. Le chapitre des effets indésirables du RCP de Raxone° mentionne d'abord les plus fréquents : rhinopharyngites, diarrhées, toux, douleurs dorsales. D'autres effets indésirables sont cités dans un tableau, où figure « hépatite » (sans précision de gravité) après divers troubles biologiques hépatobiliaires.

La notice reprend l'ensemble des effets indésirables du RCP sans les détailler, par ordre de fréquence décroissante, avec la mention alambiquée « taux élevés d'enzymes hépatiques dans l'organisme qui signifient que vous avez des problèmes hépatiques – démontrés dans les tests, taux élevés de "bilirubine" – qui peuvent engendrer un jaunissement de la peau ou du blanc des yeux, hépatite » en 10e position sur 14.

Sur la notice figure le triangle noir inversé, signe imposé dans l'Union européenne sur les notices des médicaments sous surveillance particulière, sans préciser que la toxicité hépatique de l'idébénone est suivie dans le cadre du plan de gestion des risques (PGR) de ce médicament.

Omissions, lenteurs de mises à jour avec les anciens médicaments

En 2015, nous avons attribué un Carton rouge aux notices des médicaments à base d'estriol vaginal disponibles en France (tous autorisés il y a une vingtaine d'années par procédure d'AMM nationale), en raison de leur insuffisance d'information sur les risques de thromboses artérielles ou veineuses et de cancers du sein ou de l'endomètre. En 2016, ces notices n'ont pas évolué. Pourtant ces risques sont clairement établis et figurent dans la notice d'une spécialité nouvellement autorisée par procédure d'AMM européenne, Estring° anneau vaginal à base d'estradiol (12).

Les notices des rétinoïdes cutanés (adapalène, alitrétinoïne, isotrétinoïne, trétinoïne, tazarotène) déconseillent ou contre-indiquent leur usage pendant la grossesse, mais sans mentions harmonisées et complètes sur les risques de tératogénicité, ni mention le plus souvent d'une nécessité de contraception efficace (13).

Les notices de médicaments autorisés par procédure européenne sont globalement plus informatives que celles de médicaments autorisés anciennement par voie nationale et qui ne sont plus ou peu mises à jour passé un laps de temps (13). Encore que des lacunes existent aussi dans les notices d'origine européenne. Par exemple, fin 2016, les RCP et notice du prucalopride (Resolor°) n'évoquent rien des trois cas d'idées suicidaires liées au prucalopride rapportés par l'OMS chez des patients sans antécédent psychiatrique (11).

Besoin de listes d'effets indésirables didactiques

Quand les effets indésirables connus sont nombreux, leur longue liste risque de dissuader les patients de les lire et de noyer les informations les plus importantes. Certaines notices facilitent la compréhension des enjeux : le paragraphe des effets indésirables débute par les effets indésirables les plus graves, avant d'enchaîner sur des dizaines d'effets classés par fréquences décroissantes, comme par exemple dans les notices de l'ibrutinib (Imbruvica°), du ponatinib (Iclusig°) ou du lénalidomide (Revlimid°) (11).

Mais souvent les longues listes ne semblent pas rédigées pour informer, mais pour faire office de parapluie pour les firmes en cas de plaintes suite à un effet indésirable. En effet, quand l'effet indésirable est mentionné dans la notice, la firme ne peut être tenue responsable d'une défectuosité du médicament. C'est un obstacle parmi d'autres auxquels sont confrontées les victimes de médicaments (14).

Choisir de protéger les patients

Le conditionnement des médicaments est un élément important du bon usage des médicaments et de prévention de leurs effets indésirables. Les agences du médicament n'imposent pas assez aux firmes des choix en faveur de la protection des patients. Trop souvent, les médicaments sont autorisés avec des conditionnements peu sécurisants, source de dangers. Du côté des firmes, la tendance est encore trop souvent à la valorisation des éléments de vente sur les étiquetages des médicaments, à la sous-valorisation des éléments utiles aux soins comme la DCI, à la sous-estimation du rôle important des conditionnements au détriment de la sécurité des patients.

Synthèse élaborée collectivement par la Rédaction

sans aucun conflit d'intérêts

©Prescrire

Notes

a- À propos des recommandations d'agences, Prescrire a critiqué celles concernant les noms commerciaux émises par l'EMA, car peu centrées sur la sécurité des patients, et celles plus récentes de l'ANSM qui légitiment la pratique des étiquetages fourre-tout et le maintien des gammes ombrelles pour les médicaments, sources de dangers. Prescrire a alerté sur le danger de l'expression des dosages et concentrations de manière administrative sur les étiquetages, plutôt que de manière à prévenir les erreurs médicamenteuses (réf. 9,15).

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Bilan 2015 du conditionnement : choix risqués des firmes et laxisme" Rev Prescrire 2016 ; 36 (389) : 218-224.

2- CMDh "Minutes for the meeting on 29-31 March 2016" 25 avril 2016 : 23 pages.

3- IMSN "Communiqué de presse - IMSN encourages regulators and companies to improve medication safety at the global level" 21 novembre 2016 : 2 pages.

4- CRPV Nice Alpes Côte d'Azur "Encore trop d'erreurs d'administrations médicamenteuses en pédiatrie" bulletin 2016 (18) : 12 pages.

5- ANSM "Comité technique de pharmacovigilance. Compte rendu de séance du 22 mars 2016" : 18 pages.

6- ANSM "Dispositifs doseur/d'administration des spécialités sous forme buvable en multidoses. Recommandations aux industriels" avril 2016 : 4 pages.

7- ANSM "Recommandations à l'usage des demandeurs et titulaires d'autorisations de mise sur le marché et d'enregistrements relatives aux noms des médicaments" septembre 2016 : 8 pages.

8- Commission européenne "Guideline on the readability of the labelling and package leaflet of medicinal products for human use. Révision 1" 12 janvier 2009 : 27 pages.

9- Prescrire Rédaction "Projet de l'ANSM de recommandations nationales sur les noms commerciaux : un projet qui entretient les confusions sources de danger" 14 décembre 2016 : 4 pages.

10- Prescrire Rédaction "L'année 2016 du médicament : un système qui favorise l'imitation plutôt que la recherche de réels progrès" Rev Prescrire 2017 ; 37 (400) : 132-136.

11- Commission européenne "RCP + notice-Raxone" 8 septembre 2015 : 15 pages + "RCP + notice-Resolor" 27 mai 2015 : 18 pages + "Notice-Imbruvica" 25 août 2016 : 8 pages + "Notice-Iclusig" 9 novembre 2016 : 8 pages + "Notice-Revlimid" 9 septembre 2016 : 11 pages.

12- ANSM "Notice-Estring" 4 septembre 2015 : 11 pages.

13- Prescrire Rédaction "Rétinoïdes cutanés et risque tératogène : des notices en défaut" Rev Prescrire 2016 ; 36 (398) : 897-898.

14- Prescrire Rédaction "Faire reconnaître l'imputabilité d'un effet indésirable à un médicament" Rev Prescrire 2014 ; 34 (368) : 471-473.

15- Prescrire Rédaction "Réponse Prescrire à la consultation sur les recommandations EMEA/208304/2009. Prévenir les erreurs liées à l'expression du dosage sur les éléments du conditionnement des médicaments" 28 mai 2009 : 9 pages.