Morts à éviter

Certains procès retentissants, en France et ailleurs (Vioxx°, Mediator°, opioïdes, etc.), mettent à la une des médias des désastres causant des milliers de victimes rendues malades d'un médicament.

Ces drames humains, qui sont aussi des scandales de santé publique, marquent les esprits et créent des débats de société. Ils mettent en cause des acteurs puissants, les firmes pharmaceutiques, et des agences du médicament dont on attendait pourtant une protection contre les dégâts liés aux médicaments.

De telles affaires spectaculaires n'arrivent pas tous les jours. Mais il existe une iatrogénie médicamenteuse plus ordinaire. Tous les jours, ici et là, à côté de personnes soulagées ou guéries par des médicaments, des personnes sont victimes de tel ou tel médicament. Combien ? Des enquêtes officielles ont estimé, par échantillonnage et extrapolation, qu'en France les effets indésirables des soins, notamment des médicaments, causent des dizaines de milliers d'hospitalisations et des milliers de morts par an. Tous les ans.

De nombreuses morts ne sont pas reliées à leur cause médicamenteuse, ne font l'objet d'aucune attention particulière, restent ignorées ou presque, y compris de la part des soignants impliqués. Comme par exemple des morts subites d'origine médicamenteuse (lire aussi "Allongements de l'intervalle QT, torsades de pointes et morts subites d'origine médicamenteuse").

Beaucoup sont pourtant évitables, sans fatalité. Éviter des morts dues à des médicaments est à la portée d'un effort collectif et individuel des soignants, en suivant quelques principes. Éviter de prescrire ou conseiller des médicaments dans les troubles bénins ou spontanément résolutifs. Prescrire ou conseiller des médicaments dont on connaît bien les effets, au sein d'une courte liste de médicaments que l'on a choisis soigneusement en prenant en compte l'évolution des connaissances sur leur balance bénéfices-risques. Se former en continu de manière indépendante et rigoureuse, notamment sur les effets indésirables. Oser prendre contact avec un confrère, se parler entre médecins et pharmaciens. Prendre en compte les interactions des médicaments. S'assurer que les patients ont compris l'intérêt et les modalités de leur traitement. Savoir dire non à des demandes de patients quand les risques encourus semblent dépasser les bénéfices attendus. Face aux problèmes de santé, se poser souvent la question : « et si c'était dû à un médicament ? ».

Éviter de nombreuses victimes, sans attendre les scandales, c'est à portée de main, à portée d'une pratique prudente et attentive : attentive d'abord à ne pas nuire.

Prescrire