Prises au sérieux

La mise au point et la fabrication d'un dispositif médical destiné à être implanté dans le corps humain sont le fruit d'un travail d'ingénierie, dont l'évaluation requiert de nombreuses compétences, techniques et cliniques. Son accès au marché est conditionné à une certification préalable, validant sa conformité à des critères réglementaires. Mais en réalité, trop souvent, cette étape s'avère marquée par des carences, une opacité et une insuffisance des États à contrôler les organismes certificateurs et les produits une fois sur le marché.

Le cas des implants tubaires Essure°, commercialisés en France de 2002 à 2017, en est une illustration. Cette méthode de contraception permanente et irréversible consistait à placer par voie vaginale et à laisser à demeure un dispositif en forme de ressort dans chacune des trompes de Fallope, pour les irriter au point que la réaction tissulaire les oblitère. Dans ce numéro, nous poursuivons l'état des lieux de ce dossier par une analyse de la prise en compte de la parole des femmes qui ont rapporté des troubles de santé liés à ces implants (lire aussi "Et si c'était l'implant ?"). Le premier volet de cet état des lieux a décrit les troubles rapportés et l'hypothèse d'un lien entre certains d'entre eux et un relargage de métaux lourds issus des implants (lire dans le n° 487 p. 355-359).

De nombreux retraits chirurgicaux d'implants tubaires Essure° ont été effectués, avec parfois la découverte d'une fibrose tellement étendue qu'il a été impossible de retirer l'implant sans amputer les femmes de leur utérus. Nombre d'entre elles ont été soulagées (au moins partiellement) par le retrait complet du dispositif, parfois après une deuxième intervention pour retirer des fragments résiduels. En 2017-2018, la firme Bayer a abandonné la commercialisation de ces implants dans l'ensemble des pays concernés, officiellement pour raisons commerciales.

Les plaintes des femmes ont souvent été minimisées. Ce sont des femmes porteuses de ces implants elles-mêmes qui ont fait un rapprochement entre les implants et les troubles en découvrant des témoignages concordants d'autres femmes, et non des services de matériovigilance. Certains soignants, les autorités sanitaires et la firme ont hésité à les écouter, comme si, en l'état des connaissances, l'absence de preuves d'un lien avec ces implants était la preuve d'une absence de lien. Des études sérieuses ont tardé à être mises en place. Une fois encore, la possibilité d'effets indésirables graves a été sous-estimée, la parole des femmes n'a pas été assez prise au sérieux.

Mi-2024, des centaines de milliers de femmes dans le monde vivent encore avec des implants tubaires Essure°. Quand une de ces femmes signale tel ou tel trouble, la question "Et si c'était l'implant ?" mérite d'être étudiée. Et c'est faire son métier de soignant que d'étudier avec soin quelles sont les meilleures options quand il est plausible que les implants soient la cause de ses symptômes.

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