Préparation des doses à administrer : trop de conditionnements inadaptés à cette pratique

La "préparation des doses à administrer" (PDA) désigne la préparation à l'avance par un pharmacien ou un infirmier des doses de médicaments d'un patient en les répartissant par séquences d'administration. Il s'agit d'un acte de déconditionnement du médicament, voire de reconditionnement hors autorisation de mise sur le marché (AMM) (a). Cette préparation est soit manuelle, telle la répartition des doses dans un pilulier, soit réalisée à l'aide d'automates qui reconditionnent les unités de prise dans des sachets transparents réétiquetés. Elle concerne surtout les formes orales solides (comprimés, gélules), mais certains automates peuvent aussi reconditionner diverses formes, y compris liquides (1à4).

La PDA concerne les pharmaciens et les infirmiers hospitaliers, les infirmiers auprès de personnes dépendantes, à domicile ou en établissement, et les pharmaciens d'officine qui préparent les traitements pour de tels établissements (1à4). Des préparations de médicaments de type PDA sont parfois effectuées par le patient lui-même, ou par son entourage.

Tous les soignants, qu'ils pratiquent ou non la PDA, ont intérêt à en connaître les enjeux et les limites.

Questionner la pertinence de la préparation des doses à administrer. Les incertitudes qui entourent la PDA (lire plus bas) conduisent d'abord à se demander à quels patients cette pratique peut être utile, malgré les risques auxquels elle expose. Cela implique de vérifier que la PDA est envisageable avec la forme et la substance concernées, d'estimer un délai de conservation en cas de déconditionnement, et d'écarter des schémas thérapeutiques incompatibles avec une préparation à l'avance telles que des posologies conditionnelles ou fluctuantes de type "si besoin" (1,3). La plupart des médicaments se prennent chaque jour. De fait, ceux à rythme particulier d'administration comme le méthotrexate en prise unique hebdomadaire, sont à risque de confusion potentiellement très grave, en cas de PDA par pilulier semainier.

Les plaquettes non unitaires sources de dangers. L'inadéquation des conditionnements au besoin sécuritaire de préparer de manière sûre les doses médicamenteuses pour un patient, et non pour tout un service, a été dénoncée en France au début des années 1980 à l'initiative de pharmaciens hospitaliers (5,6). Comment garantir l'identification du médicament quand la plupart des présentations ne sont pas unitaires et que beaucoup de comprimés et de gélules se ressemblent (lire l'encadré "C'est-à-dire ? Plaquettes unitaires prédécoupées et plaquettes non unitaires") ? Notre analyse des conditionnements depuis plus de 30 ans montre que la majorité des présentations sont non unitaires. Cela a conduit certains soignants en ville, à l'hôpital ou dans les Ehpad à mettre en œuvre des actes de déconditionnement et reconditionnement avec réétiquetage unitaire et à les automatiser.

Déconditionnement : identification et stabilité incertaines. La mise en œuvre de la PDA soulève plusieurs questions (1à3,7). Quel est le délai de conservation du médicament une fois sorti de son conditionnement initial ? Quels sont les critères pour déterminer ce délai ? Y a-t-il des substances, des formes à exclure ? Dans quel contenant reconditionner ? Quelles mentions réétiqueter ? Combien de journées de traitement préparer à l'avance ? Quelles règles d'hygiène observer ? Des recommandations existent mais font état d'une évaluation limitée (1à3). Sans oublier la question de la responsabilité en cas d'erreur, que nous n'aborderons pas ici.

En cas de mise en pilulier (ou en sachets réétiquetés), l'enjeu de sécurisation est analogue à celui des spécialités utilisées classiquement : identification, protection et traçabilité du médicament jusqu'à l'administration au patient. Les réétiquetages qui comportent des mentions additionnelles à celles des emballages industriels (nom du patient, heure de prise, etc.) nécessitent de disposer de contrôles renforcés.

Sortis de leur emballage, les comprimés et gélules sont soumis à l'humidité, la chaleur, la lumière, la poussière avec le risque d'une teneur en substance active diminuée, de formation de produits de dégradation, sources potentielles de toxicité ou d'inactivation (2à4). La dégradation n'est pas toujours apparente. Certaines formes orales sont particulièrement friables ou sensibles à l'humidité : comprimés effervescents, lyophilisats, comprimés orodispersibles.

Les délais de conservation du médicament hors emballage initial ne sont généralement pas précisés dans les résumés des caractéristiques (RCP) et les notices. Selon l'Agence française du médicament (ANSM) que nous avons interrogée, les obligations concernent seulement les conditions de conservation du médicament dans son conditionnement d'origine. Selon la Pharmacopée européenne, la réalisation par les firmes d'études de stabilité des médicaments hors emballage primaire est à encourager par les autorités sanitaires. Mais en l'absence de ces données, le délai après déconditionnement doit être le plus court possible (1). Le guide d'une agence régionale de santé (ARS) recommande de ne pas préparer plus de 7 jours de traitement à l'avance (2). D'autres sources recommandent des durées maximales de 10 jours à 180 jours, sous plusieurs conditions (3,7). Ces divergences traduisent l'absence d'évaluation précise.

Risque de contamination médicamenteuse croisée. Quand des particules de médicaments déconditionnés ayant contaminé les circuits de l'automate (trémies et goulottes par lesquelles ces formes sont acheminées jusqu'à leur sachet) se retrouvent sur d'autres médicaments empruntant ensuite le même circuit, on parle de "contamination croisée" (2). Ce risque est prévisible aussi avec les piluliers multi-patients. La contamination par des cytotoxiques est particulièrement source de dangers, mais diverses autres substances posent problème telles que : psychotropes, hormones, antibiotiques, antiviraux. Sans compter les risques allergiques non identifiables de substances indésirables ayant contaminé d'autres comprimés ou gélules. Des procédures de nettoyage méthodique des automates, qu'il est prudent d'appliquer aux piluliers, et de protection des opérateurs sont recommandées (2à4).

Suivi de l'information du patient et de l'entourage. Un acte de préparation des doses à administrer nécessite une information spécifique au patient, tel que le mode d'emploi du pilulier, ou l'explication des mentions réétiquetées. De plus, un inconvénient général du déconditionnement est l'éloignement ou la perte de la notice officielle, d'où une rupture d'information à l'endroit et au moment où elle s'avère utile. En cas de PDA pour un patient, mieux vaut s'assurer que celui-ci ou son entourage dispose de l'information nécessaire (8).

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Notes

a- Le déconditionnement consiste à extraire définitivement le médicament de son conditionnement primaire (plaquette, flacon). Le reconditionnement consiste à réemballer un médicament dans un sachet transparent réétiqueté. Les deux actes précédents sont des utilisations hors AMM, ils n'y sont pas décrits ni prévus, contrairement par exemple à la reconstitution d'une suspension buvable ou injectable. Le surconditionnement évite le déconditionnement : le médicament maintenu dans son conditionnement d'origine, telle une portion découpée de plaquette, est suremballé dans un sachet.

bibliographie

1- Conseil de l'Europe-EDQM "Automated dose dispensing (AAD). Guideline on best practice for the AAD process, and care and safety of patients" 2018 : 40 pages.

2- ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur "Guide pour la préparation des doses à administrer (PDA) en Ehpad et autres établissements médico-sociaux" 2017 : 15 pages.

3- Lagrange F "Recommandations de bonnes pratiques en pharmacie automatisée : préparation des doses à administrer des formes orales sèches" Le Pharmacien hospitalier et clinicien 2015 ; (50) : 448-455.

4- Pharma Système Qualité "État des lieux de la PDA : valeur ajoutée de la certification ISO 9001 QMS pharma" 1er mai 2017 : 44 pages.

5- Schmitt E "La présentation unitaire des médicaments destinés aux établissements hospitaliers. Cahier des charges, aspects techniques, septembre 1984" Le Pharmacien hospitalier 1984 ; (79) : 5 pages.

6- "Circulaire n° 666 du 30 janvier 1986 relative à la mise en application des pratiques de bonne dispensation des médicaments en milieu hospitalier" 30 janvier 1986 : 8 pages.

7- FDA "Expiration dating of unit-dose repackaged solid oral form drug products: compliance policy guide" août 2017 : 7 pages.

8- Prescrire Rédaction "Savoir où trouver une notice sur internet et identifier la dernière version". Site www.prescrire.org, mise à jour 2019.