Depuis quelques années, l'escalade du prix des nouveaux médicaments met de plus en plus en péril l'accès aux soins. En 2019, Zolgensma° (onasemnogène abéparvovec-xioi) a atteint le prix insensé d'environ 2 millions d'euros l'injection unique par patient.
Une découverte publique surexploitée par des acteurs privés
Au départ, c'est la belle histoire d'un espoir pour les enfants atteints d'amyotrophie spinale, une maladie génétique rare, très invalidante et au pronostic sombre. Le gène défectueux est identifié en 1995 par une équipe de l'hôpital Necker à Paris (1). Une équipe du Généthon (laboratoire français de recherche au statut associatif financé grâce à la générosité publique du Téléthon et à des subventions) met ensuite au point une thérapie génique permettant de modifier le gène défectueux, et dépose un brevet en 2007, avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). La même équipe publie en 2011 des résultats encourageants obtenus chez des souris (1,2).
Une start-up étatsunienne, AveXis, teste cette thérapie chez des enfants et signe un accord de licence avec le Généthon. Après les résultats encourageants de ces essais, Novartis rachète AveXis en 2018 pour 8,7 milliards de dollars (2).
L'injection unique sera facturée 1,9 million d'euros par enfant aux États-Unis d'Amérique. « Soit moitié moins cher que les traitements actuels sur 10 ans » minimise Novartis, qui fait référence au prix lui-même exorbitant de Spinraza° (nusinersen) autorisé dans la même maladie (3,4). Le Généthon et le CNRS quant à eux ne devraient se partager au total que « plusieurs dizaines de millions d'euros sur la durée » (a)(1).
Cherchez l'erreur…
Cette histoire ne s'arrête pas là. En juillet 2019, l'Agence étatsunienne du médicament (FDA) annonce qu'une fois l'autorisation de mise sur le marché (AMM) obtenue par Novartis, AveXis a révélé une fraude dans une partie non clinique du dossier de demande d'AMM (5). La FDA et Novartis se sont empressées d'assurer que cette fraude ne remettait pas en cause le maintien sur le marché de Zolgensma° (5). L'Agence européenne du médicament (EMA) est alors revenue sur sa décision d'accorder un examen accéléré du dossier de Zolgensma° (5).
Pas de fatalisme
Toute cette affaire en dit long sur les pratiques des acteurs impliqués dans ce développement pharmaceutique à but outrageusement lucratif. C'est un exemple de plus de la dérive financière sans scrupule dont la recherche pharmaceutique est malade. Comment arrêter cette spirale néfaste pour les patients du monde entier ? Une réaction efficace ne peut venir que d'un front uni des États, de la mobilisation des citoyens et du courage de dirigeants convaincus que préserver l'accès aux soins et les ressources collectives destinées à la solidarité est une priorité. Et prêts, pour cela, à commencer par exiger des firmes et des start-up une transparence sur les coûts de recherche et de fabrication.
Notes
a- Le Généthon et le CNRS auraient signé une clause selon laquelle le prix ne devrait pas être un obstacle à l'accès au traitement. Reste à voir quelle sera l'efficacité d'une telle clause (réf. 6).