Résistances aux antibiotiques : une menace croissante

Les résistances aux antibiotiques deviennent une des principales causes de mortalité dans le monde, faute d'efforts suffisants pour les prévenir et les combattre.

Plusieurs millions de morts par an dans le monde

Un rapport de 2016 a estimé que le nombre de morts liées aux résistances aux médicaments anti-infectieux pourrait atteindre 10 millions par an à l'horizon 2050 (1). Une étude publiée en 2022 portant sur 12 maladies infectieuses et 23 bactéries dans 204 pays apporte un éclairage inédit (2).

Cette étude, à laquelle ont contribué de très nombreux membres d'institutions de santé du monde entier, a recherché et combiné les données de nombreuses sources concernant l'épidémiologie infectieuse et la mortalité associée, les médicaments disponibles, les taux de résistance, etc. Selon une modélisation de ces données, les infections dues à des bactéries résistantes aux antibiotiques ont contribué à environ 5 millions de morts en 2019, dont 1,3 million directement attribuables aux résistances bactériennes, ce qui en fait une des premières causes de mortalité dans le monde (2).

Les principales infections en cause dans cette mortalité sont des infections respiratoires basses, des septicémies et des infections intra-abdominales. Les six bactéries résistantes aux antibiotiques ayant causé le plus grand nombre de morts sont : Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae, Streptococcus pneumoniae, Acinetobacter baumannii et Pseudomonas aeruginosa (2).

Pas assez rentable

La lutte contre les résistances microbiennes passe par de nombreuses voies, notamment : réduction de l'utilisation des antibiotiques chez les animaux d'élevage intensif, rationalisation de leur utilisation chez l'Homme, développement d'antibiotiques avec de nouveaux modes d'action (3). Or, après une époque faste de mise sur le marché de nouveaux antibiotiques jusqu'aux années 1970, les recherches universitaire et industrielle se sont progressivement taries (3,4). La vente de nouveaux antibiotiques n'a plus correspondu au modèle d'affaires des firmes pharmaceutiques, concentré à partir des années 2000 sur des traitements chroniques (et très chers) dans des niches, cancers et maladies rares notamment (4à6).

Au fil des années, de nombreuses initiatives ont cherché à relancer cette recherche, avec peu de succès (3). En pratique, il faudrait un financement international public massif incitant recherches universitaire et industrielle à travailler de manière ouverte au développement de nouveaux antibiotiques, dont l'utilisation serait ensuite raisonnée pour limiter l'apparition de résistances (3,5).

La rapidité et l'efficacité de la réaction des pouvoirs publics et des firmes pharmaceutiques dans le cas des vaccins covid-19 ont montré que des modèles économiques alternatifs sont efficaces. Ici, il s'agirait de relancer une activité de recherche et développement d'antibiotiques ambitieuse, avec un financement déconnecté des chiffres de ventes pour éviter une surconsommation accroissant les résistances bactériennes.

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- O'Neill J "Tackling drug-resistant infections globally : final report and recommendation" London : Review on Antimicrobial Resistance, 2016 : 84 pages.

2- Antimicrobial Resistance Collaborators "Global burden of bacterial antimicrobial resistance in 2019 : a systematic analysis" The Lancet 2022 ; 399 (10325) : 629-655.

3- Laxminarayan R et coll. "Antibiotic resistance. The need for global solutions" Lancet Infect Dis 2013 ; 13 (12) : 1057-1098.

4- Prescrire Rédaction "Antibiotiques : les firmes désertent" Rev Prescrire 2019 ; 39 (423) : 56.

5- Mossialos E et coll. "Policies and incentives for promoting innovation in antibiotic research" European observatory on health systems and policies. 2010 : 224 pages.

6- Prescrire Rédaction "Recherche et développement de médicaments : changer de système" Rev Prescrire 2016 ; 36 (398) : 933-939.