En mars 2023, la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) a publié ses nouveaux principes pour évaluer le service médical rendu (SMR) et l'amélioration du service médical rendu (ASMR) des nouveautés médicamenteuses, deux critères qui ont un impact en France sur leur niveau de remboursement par l'assureur maladie obligatoire et leur prix (1).
Une doctrine glissante
La Commission répète que les essais cliniques comparatifs randomisés sont « la référence incontournable de l'évaluation de tout médicament », mais tout en considérant comme acceptable « la possibilité d'intégrer des données moins consolidées, à condition qu'elles permettent la comparaison avec les traitements disponibles » (1,2). Cet assouplissement répond à une saisine du gouvernement pressant la HAS d'adapter sa méthodologie à de nouveaux types d'essais cliniques, notamment ceux auxquels recourent les firmes pour s'affranchir des essais comparatifs randomisés.
La nouvelle doctrine de la HAS conduit à accepter qu'un nouveau médicament soit comparé seulement indirectement aux données de "témoins historiques" ou à des groupes de patients inclus dans d'autres essais cliniques ou dans des études de cohorte (groupes témoins dits externes) (1,2). Un mode d'évaluation dégradé.
Accès facilité à des médicaments peu évalués ?
Il est probable que la nouvelle doctrine de la HAS sera moins génératrice de SMR insuffisants et d'ASMR V (absence de progrès thérapeutique), et qu'elle favorisera l'accès au remboursement à des médicaments en ville et à leur utilisation à l'hôpital, malgré les fragilités de l'évaluation. Cette évolution s'inscrit dans le cadre du nouveau dispositif d'"accès précoce" en France, qui permet la prise en charge de médicaments dans certaines situations cliniques avant leur évaluation par la Commission de la transparence (3). La nouvelle doctrine permettrait d'éviter que les autorisations ainsi attribuées se retrouvent ensuite cotées SMR insuffisant, comme cela a été le cas avec les autorisations temporaires d'utilisation (ATU) : pour un quart des médicaments en ayant fait l'objet entre 2014 et 2021, la Commission a déconseillé ensuite le remboursement d'une de leurs indications (4).
La nouvelle doctrine répond sans doute aussi aux pressions exercées par des firmes, des associations de patients et des médecins spécialisés (5à7).
Ne pas vider l'ASMR de son sens
Beaucoup de nouveaux médicaments sont mal évalués. Si certains veulent un accès très rapide à des nouveaux médicaments mal évalués, qu'ils ne vident pas pour autant de leurs sens SMR et ASMR, car ces derniers sont des repères utiles pour cerner l'intérêt des médicaments. Ce qui rend service à de très nombreux patients, actuels et futurs. Et à l'ensemble de la société, quand il s'agit d'allouer les ressources.