Recommandations de l'ANSM sur les dispositifs doseurs : un progrès

Les formes buvables multidoses permettent de préparer diverses doses d'un médicament, ce qui est souvent le cas chez les enfants chez lesquels les doses sont à adapter au poids. Elles impliquent l'utilisation d'un dispositif doseur. Les analyses de conditionnements par Prescrire pointent la dangerosité de nombreux dispositifs doseurs (1). En 2016, l'Agence française des produits de santé (ANSM) a publié des recommandations en matière de dispositifs doseurs à l'égard des firmes (2). Prescrire avait répondu à la consultation publique de 2013 de ce projet de recommandations (3).

Les recommandations de l'ANSM sont concordantes avec les dangers signalés à la suite de nos centaines d'analyses de dispositifs doseurs : absence de dispositif doseur ; imprécision des compte-gouttes et des gobelets ; graduations illisibles ou superflues ; risques d'erreur lors des calculs de conversion des milligrammes des doses prescrites en millilitres de volumes à mesurer ; associations de plusieurs dispositifs doseurs dans une même boîte ; etc.

Erreurs ou permutations entre dispositifs doseurs = dangers en pratique courante. L'ANSM demande la présence d'un dispositif doseur avec tous les médicaments sous formes buvables multidoses. L'usage des cuillères domestiques, de capacités variables selon les modèles, est à bannir car source d'imprécisions (2,3).

Un autre risque est l'utilisation du dispositif doseur d'un autre médicament. L'examen par Prescrire de centaines de formes buvables montre que les firmes optent souvent pour des dispositifs fabriqués à grande échelle. Ces dispositifs passe-partout sont gradués en millilitres et dépourvus d'un étiquetage spécifique en lien avec le médicament à mesurer. Ces multiples gobelets, cuillères, seringues pour administration orale se ressemblent, incitant à une utilisation croisée entre spécialités. L'ANSM recommande de réduire ce risque par : l'apposition de mentions sur le dispositif (nom du médicament, dosage, forme pharmaceutique) ; la présence d'un élément permettant de fixer le dispositif à son flacon ; de schémas illustrant le dispositif sur la boîte et dans la notice.

Les firmes échappent à l'évaluation des dispositifs, en situation réelle de soins. Plusieurs points de recommandation de l'ANSM vont dans le sens de dispositifs doseurs adaptés : graduations les plus précises possibles, en excluant les marquages inutiles ; ensemble permettant de prélever la plus petite et la plus grande dose à utiliser. Ces critères de qualité ne sont pas remplis par les gobelets peu précis et les cuillères graduées aux mentions peu lisibles ou incompréhensibles, voire superflues (4à6).

Dans ses recommandations aux firmes, l'ANSM ne demande pas l'évaluation de chaque dispositif doseur et notice en situation réelle de préparation des doses par des patients (ou entourage) ou des soignants, qui est pourtant souhaitable. Cette évaluation devrait concerner aussi les nombreux médicaments anciens pour lesquels les notices renseignent peu sur les modalités de préparation des doses.

Une autre recommandation déconseille l'utilisation des compte-gouttes, et en proscrit le choix lorsque la posologie est toujours supérieure à 10 gouttes par prise.

Graduations : en milligrammes ou en millilitres ? L'ANSM recommande que « le dispositif fourni [soit] gradué dans la même unité que celle de la posologie recommandée dans le RCP et la notice ». Cela rend possible de choisir l'unité pour une cohérence entre le RCP et le dispositif doseur.

La notion de quantité pondérale (par exemple milligrammes (mg), unités internationales) est la plus adéquate pour préparer la dose exacte de médicament. Les comptes rendus d'évaluation clinique, les ouvrages de pharmacologie clinique, les rapports d'évaluation d'agences, les chapitres "posologie" et "surdosage" des RCP sont en général rédigés en quantité pondérale. Il serait donc plus clair pour les soignants que le RCP soit rédigé en mg, et le dispositif doseur gradué en mg.

Une évaluation au niveau européen des deux grandes options de graduation (mg ou ml) apparaît souhaitable. En attendant, aux soignants et patients d'éviter les erreurs, et, en cas d'échec, de notifier les effets indésirables observés.

Des recommandations à étendre. Les recommandations de l'ANSM sur les dispositifs doseurs adoptées en 2016 sont les bienvenues. Quelques éléments auraient pu les compléter de manière utile, comme nous l'avions proposé à l'ANSM : développer le conditionnement des médicaments bien en amont des autorisations afin qu'ils puissent être évalués ; et privilégier autant que possible les formes unitaires (comprimés, gélules, sachets) comme options de 1er choix pour garantir la précision des doses et limiter les risques d'erreurs dues à leur préparation (3).

©Prescrire

bibliographie

1- Prescrire Rédaction "Bilan 2015 du conditionnement : choix risqués des firmes et laxisme" Rev Prescrire 2016 ; 36 (389) : 218-224.

2- ANSM "Dispositifs doseur/d'administration des spécialités sous forme buvable en multidoses. Recommandations aux industriels" avril 2016 : 4 pages.

3- Prescrire Rédaction "Réponse de Prescrire à l'enquête publique de l'ANSM sur son "Projet de recommandations relatives aux dispositifs d'administration des spécialités sous forme buvable en multidoses"" 5 septembre 2013 :17 pages.

4- Prescrire Rédaction "FDA : haro sur les dispositifs doseurs" Rev Prescrire 2011 ; 31 (328) : 144.

5- Yin HS et coll. "Liquid medication errors and dosing tools : a randomized controlled experiment" Pediatrics 2016 ; 138 (4) : 13 pages.

6- Prescrire Rédaction "Formes buvables à reconstituer de Clamoxyl° et Josacine° : erreurs fréquentes" Rev Prescrire 2016 ; 36 (396) : 747.