Pour les victimes, « il a été long, le chemin vers la vérité »

Le 21 novembre 2019, des victimes de Mediator° (benfluorex), constituées parties civiles pour le délit de « tromperie » reproché à la firme Servier, ont témoigné devant le tribunal des répercussions de la prise de ce « poison » sur leur vie. Extraits.

Ani, 66 ans, 1 an et demi de Mediator° (2000-2001) : « Un cœur incisé se venge »

« Un médecin spécialisé en nutrition m'a prescrit Mediator° pour perdre du poids [soit hors indication d'autorisation de mise sur le marché (AMM)]. Ma défiance est venue plus tard, fin 2010, quand ses effets désastreux ont été révélés dans les médias. À l'époque, je me sentais fatiguée, essoufflée, je dormais mal, avec des bouffées de chaleur que je mettais sur le compte de la préménopause.

Je n'avais jamais été malade du cœur. Pendant l'échographie, le cardiologue m'a gardée peut-être 45 minutes, à me regarder sous toutes les coutures. Verdict : grave atteinte de la valve mitrale. Il m'a tout de suite mise sous anticoagulant et prescrit une coronarographie. Le diagnostic de valvulopathie confirmé, il fallait m'opérer sans attendre, car je pouvais mourir brusquement. J'étais sous le choc.

J'ai été opérée. C'est une opération très longue, à cœur ouvert, plusieurs heures sur la table. On ouvre le thorax, on incise le cœur malade, on enlève la valve malade, le chirurgien coud une valve mécanique en titane, referme le cœur, fait redémarrer, referme le thorax avec des agrafes métalliques.

Cette opération vous change la vie. J'ai des douleurs dans la poitrine, à l'endroit des agrafes, encore maintenant quand le temps change, comme des rhumatismes. Un cœur qui a été incisé se venge. Le mien est reparti en fibrillation auriculaire, malgré d'autres opérations par la suite. La fibrillation auriculaire a été remplacée par un flutter, une autre forme d'arythmie. Et puis il y a les tourments psychologiques.

Vous n'êtes jamais remis à 100 %. Après une nouvelle opération en 2017, le docteur a dit que j'étais "consolidée", empêchant un départ à la retraite pour maladie, alors que j'exerçais un métier difficile, debout, avec des élèves pas toujours faciles. J'ai eu un temps partiel thérapeutique, mais j'ai patienté jusqu'à 65 ans pour la retraite. La "consolidation" est un leurre. Dans 2, 3, 5 ans, il faudra peut-être réintervenir. Je traînerai cette histoire jusqu'à ma mort. Et qui va s'occuper de ma fille, atteinte d'autisme ?

Le plus dur, c'est le Préviscan° (fluindione), un médicament anticoagulant [dont l'effet est surveillé par l'INR, mesuré régulièrement et qui permet d'adapter la posologie]. Mon cardiologue m'a dit avec humour : « Vous vous plaignez de Mediator°, mais vous savez que Préviscan° est un médicament très dangereux : en cas d'INR trop élevé, il peut causer une hémorragie dans le cerveau ; quand l'INR est trop bas, il peut donner une thrombose ». On navigue entre les deux. La vie n'est pas simple avec le Préviscan°. Si j'ai d'autres problèmes de santé, je cours de très gros risques. Pour un simple détartrage, je dois prendre un antibiotique, 3 grammes d'amoxicilline, contre l'endocardite. Quand on prend des antibiotiques, surtout une dose massive, cela peut avoir un effet sur l'INR. Il faut choisir entre l'endocardite et la thrombose…

Lors de l'échocardiographie, quand j'avais dit que je venais à cause de Mediator°, mon cardiologue de l'époque avait balayé mes propos d'un revers de la main. Pour lui, c'était « typique d'un rhumatisme articulaire aigu » que j'aurais eu enfant. J'avais expliqué, en vain, que j'étais la fille unique de médecins aux petits soins avec moi, qui ne m'auraient jamais laissé traîner des problèmes de rhumatisme, j'avais toujours été bien soignée pour mes angines. Même réaction lors de ma première coronarographie. Je passais quasiment pour une menteuse.

J'ai dû me battre comme Don Quichotte contre des moulins. Il a été long, le chemin vers la vérité. Depuis ma sortie de l'hôpital en 2012, je me débats dans les méandres judiciaires, avec notamment une éprouvante expertise, à charge contre moi. L'Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) a finalement conclu à un lien de causalité. Nous espérons une indemnisation définitive en 2020. »

Corinne, 58 ans, 10 ans de Mediator° (1996-2006) : « Le cardiologue m'a dit qu'ils avaient dû jeter ma valve aux cochons… »

« Après trois grossesses, j'ai voulu perdre du poids. Des personnes qui en prenaient m'ont parlé de Mediator°, j'ai demandé à mon médecin, qui ne m'a pas vraiment expliqué, il m'a juste dit que ça marchait très bien. Il en prescrivait facilement, apparemment. Je n'avais pas de diabète [principale indication de Mediator° dans l'AMM]. La prise de Mediator° m'a coupé l'envie de manger du sucré, je mangeais beaucoup moins et j'ai maigri. Je n'aurais jamais pensé que ce médicament était toxique.

Puis j'ai souffert d'essoufflements, avec, au moins une fois par semaine, un étouffement sans arriver à reprendre ma respiration. En 2009, je suis allée voir mon médecin. Il m'a dit : « C'est le stress ». J'ai insisté et obtenu un rendez-vous en cardiologie. Ma valve mitrale a été remplacée. Quand j'ai parlé de Mediator° au premier cardiologue, il rigolait presque. Quand j'ai demandé ce qu'il avait fait de ma valve, il m'a dit qu'ils avaient dû la jeter aux cochons.

Dans l'opération, on m'a cassé le sternum, tout a été déréglé. Ça a été très dur de se remettre en route. J'avais 48 ans. On se sent alors inutile, les enfants avaient encore besoin de moi, je ne sors plus avec eux, j'ai peur de la foule. Ma famille ne comprend pas : pour elle, j'ai été opérée, donc ça doit aller bien. Mon médecin me dit aussi : « Vous n'avez pas mal, c'est dans votre tête ». Je suis bien entourée, mais ça me bouffe. C'est moi qui le vis. J'ai été opérée, mais pas guérie. Je ne vois plus mes amis, heureusement que mon mari me relaie. Ma vie a été détruite. Je suis toujours oppressée. J'ai peur de l'avenir.

Huit mois après l'opération, j'ai repris mon poste au supermarché où je travaillais depuis plus de trente ans. En 2016, j'ai été arrêtée. Je suis en invalidité 2e catégorie. J'ai été beaucoup en arrêt, j'ai perdu beaucoup d'argent. Les laboratoires m'avaient proposé 238 000 euros, l'Oniam m'en a versé 415 000. Quand je vais à l'hôpital, quand je prends mes cachets, quand je vais à la pharmacie : tout me rappelle Servier.

C'est souvent le soir que j'ai du mal à respirer. J'attends le dernier moment pour aller au lit, je me cale dans la chambre d'amis pour ne pas embêter mon mari, je mets 3-4 coussins, bien droits. J'ai peur de ne pas me réveiller le matin. Ça me fait du bien d'entendre ma valve qui fait tic-tac : je suis encore en vie. Je suis venue témoigner pour les autres personnes qui n'ont pas pu se déplacer, ou qui sont mortes. »

Élisabeth, 70 ans, 9 ans de Mediator° (2000-2009) : « J'aurais aimé demander à M. Servier si lui prendrait Mediator° »

« Mediator° m'a été prescrit pour un diabète naissant. Il n'a eu aucun effet bénéfique sur mon poids. Pour ma part, ça allait à peu près bien jusqu'à des malaises, en 2006. Mon cœur se mettait à battre très vite, une fois jusqu'à 198. Aux urgences, on me relâchait en me disant : « On ne sait pas ». Depuis, je prends des bêtabloquants, deux matin, deux soir, pour calmer les arythmies. On m'a prescrit Procoralan° (ivabradine), j'ai vu qu'il venait de Servier, j'ai eu une grosse angoisse. On ne nous donne pas assez d'explications sur tel ou tel médicament.

Ce qui m'a choquée, c'était le déni de M. Servier, parce qu'il avait l'air de dire que ce n'était pas sa faute. Si ce monsieur était encore en vie aujourd'hui, j'aimerais lui demander si lui prendrait Mediator°. »

Michèle, 73 ans, 2 ans de Mediator° (2007-2009) : « Quand ça va, je monte mes 14 marches en deux fois »

« On m'a prescrit Mediator° car j'avais du diabète. J'ai perdu 10 kilos en deux ans. Mais en 2008, mon cœur s'est interrompu. Les valves fuyaient, j'ai fait un œdème pulmonaire, puis un 2e et un 3e en deux mois à l'hôpital. J'ai été opérée, et mes deux valves mitrale et aortique changées.

Il a fallu passer le cap de l'opération. C'est un gros bobo, quand même. La cicatrice est assez grosse, pas très esthétique. Plus tout le traitement qui se greffe dessus. La rééducation a été dure. Parfois, il fallait interrompre les séances de vélo car je ne pouvais plus respirer. D'être une ancienne fumeuse n'a pas arrangé les choses. L'an dernier, une société m'a mis l'oxygène. Bientôt, je change de pacemaker, mon 3e en dix ans. Les valves vont très bien. Moi, moins… Le soir, on n'entend qu'elles, elles m'empêchent un peu de dormir.

Dans la journée, je ne peux plus rien faire. Je vis dans mes 25 m2. J'habite au premier. Quand ça va bien, je monte mes 14 marches en deux fois. Je peux porter une bouteille d'eau, deux c'est compliqué. C'est fatiguant d'être tout le temps fatiguée. Depuis ces opérations, il paraît que je suis devenue exécrable… on me prend comme je suis ! L'été, je sors juste dans mon jardin. Ma vie est finie. Sans parler des prises de sang tous les 15 jours, les bleus sur les cuisses, les jambes, les bras, les yeux aussi des fois : on a des cocards gratuits. J'attends la fin, il n'y a que ça à faire.

Lors de l'expertise [en vue d'une indemnisation], j'ai eu l'impression que l'expert, détestable, expédiait les choses, je me demande s'il n'a pas été acheté, je peux le dire ? Une avocate de Servier a été hyperagressive. Ça m'a mise mal à l'aise de voir comment on nous traitait : comme une moins-que-rien. Les laboratoires Servier se seraient comportés autrement, cela ne m'aurait pas rendu la vie, mais cela aurait atténué les choses. L'expert a suggéré une aide humaine d'une heure par jour cinq jours sur sept, et Servier a proposé la somme de 137 000 euros, nous avons refusé, et l'Oniam m'a indemnisée à hauteur de 562 000 euros, avec quatre heures d'aide quotidienne.

Avoir laissé Mediator° sur le marché [après les précédents Isoméride° (dexfenfluramine) et Pondéral° (fenfluramine), amphétaminiques anorexigènes proches de Mediator°, fabriqués par la même firme et retirés du marché en 1997 en raison de leurs effets cardiaques], c'est se moquer du monde, non ? C'est de l'arnaque, de l'assassinat, et eux ils faisaient jackpot avec ce médicament. J'ai une haine contre Servier. »

Dominique, 68 ans, 3 ans de Mediator (1996-1998) : « J'ai appelé la pharmacienne de Servier, ce sont les avocats qui m'ont écrit… »

« Après avoir eu un enfant à 40 ans, un médecin m'a prescrit Mediator° pour perdre du poids. Cadre supérieure de santé et infirmière de bloc opératoire en chirurgie cardiaque, j'avais entendu parler d'Isoméride°, j'ai demandé au médecin s'il y avait de l'amphétamine dans Mediator°. Il m'a répondu : « Non, c'est à peu près comme de l'homéopathie ».

Je me sentais un peu speed, ce n'était pas contrôlable. Et j'ai commencé à être essoufflée. Diagnostic : fuite mitrale et hypertension d'effort. Se sont passés trois ans pendant lesquels je vivais l'enfer à chaque escalier. Infirmière, je n'avais pas peur d'aller au bloc. Mes valves mitrale et tricuspide ont été changées. Une hypertension artérielle pulmonaire y est associée.

Je n'ai pas lâché le morceau. J'ai appelé la pharmacienne de Servier, en lui disant : « J'ai un problème de valves, je pense que ça vient de Mediator°, quelle est la procédure d'indemnisation ? » Elle ne savait pas trop quoi dire. Ce sont les avocats qui m'ont écrit. Mon nom était mal orthographié… Servier a soufflé le chaud et le froid. La firme m'a demandé des documents, des attestations d'associations sportives dont j'avais fait partie dans les dix dernières années. Comment réunir un kilo de pièces en 24 heures ? Sans même attendre le moindre document, Servier m'a fait une proposition, me laissant 48 heures de réflexion. C'était à prendre ou à laisser. Alors que j'ai toujours cherché une solution amiable, ils m'ont baladée. J'ai saisi l'Oniam et Servier a tout contesté. L'Oniam m'a proposé un montant sept fois supérieur. Les excuses de Servier aujourd'hui, je n'en veux pas ; qu'ils ne viennent pas nous faire leur comédie.

Malgré mon tempérament, j'ai dû arrêter ma carrière professionnelle. J'étais classée au tennis, je faisais des compétitions de natation, j'adorais danser sur les bords de Marne. Je ne peux plus faire ni rando ni vélo, je ne peux plus faire que du bridge. Ma petite-fille, je ne peux pas la porter dans mes bras. J'avais des grands projets pour la retraite, je vis comme une grand-mère de 85 ans. À 68 ans, je ne suis pas trop mal, mais comment voulez-vous que je refasse ma vie ? Je suis un boulet. J'ai dû quitter Montpellier, à cause de la chaleur, racheter un appartement à une plus haute altitude. Je vois la montagne, j'irais bien faire du ski, mais ce n'est pas possible. Et on me regarde de travers avec ma carte handicapée, car physiquement, je n'ai pas l'aspect de quelqu'un qui serait dans cet état-là.

J'ai l'angoisse de ne pas pouvoir respirer et l'angoisse de ce que je vais devenir. Dans 3-4 ans, il faudra me remplacer mes valves. Vous pensez que j'ai envie d'y retourner ? Je vais aller dans une maison de retraite à 70 ans, c'est quoi, ça ? J'ai déjà fait des papiers pour que mes enfants soient tuteurs. Du jour au lendemain, une embolie, une chute, on peut partir comme ça ; ou bien je peux ne pas me réveiller.

Mon père a été fait chevalier de la Légion d'honneur, il a combattu en Indochine. Qu'on n'ait pas retiré à titre posthume la Légion d'honneur à M. Servier est horrible. Je ne suis même pas sûre que ce soit l'argent qui les intéresse, mais l'ego : montrer qu'on est un gros labo, qu'on a réussi… Sainte Irène Frachon, sans qui on ne serait pas là, on pourrait la lui donner, à elle, la Légion d'honneur.

Mon médecin traitant actuel me dit qu'il est évident qu'il y avait des amphétamines là-dedans. À l'époque, pourquoi les médecins ne le savaient-ils pas ? À cause des royalties de Servier… Et les grands professeurs, bien gênés et pas contents d'avoir été manipulés par Servier, baissaient la tête… »

Ghalia, 68 ans, 8 ans de Mediator° (1999-2008) : « Maintenant j'ai peur de la médecine »

« On m'a prescrit Mediator° par rapport aux triglycérides et à l'obésité. Quand je parlais à mon médecin de mon essoufflement et de ma fatigue, il me répondait : « C'est le médicament qui fait effet, on ne peut pas arrêter un médicament du jour au lendemain, vous avez perdu du poids ». Je faisais confiance à la médecine, maintenant j'en ai peur.

Je dors sous appareil respiratoire. Je prends 9 médicaments chaque matin, des fois je me dis que je ne vais pas les prendre. Pour ma double valvulopathie, je suis surveillée par un cardiologue tous les six mois. Je vis dans le stress, car les médicaments font aussi effet après. Dans 5, 10, 20 ans ? On ne sait pas…

On nous a pris pour des cobayes : ce n'était pas un médicament, mais un poison, et la Sécurité sociale a payé pour moi. Comme une drogue illicite. Le jugement a été trop long à venir, alors que tout était clair, il y avait des preuves que c'était un poison. Il faut que le laboratoire soit jugé pour les fautes commises. Il doit être fermé. Le poison de Servier, j'en ai gardé une boîte en mauvais souvenir dans mon sac, regardez… »

Propos recueillis

par ©Prescrire

Retrouvez plusieurs portraits sensibles et bouleversants de victimes dans "Visages du Mediator°" de Marc Dantan et Irène Frachon, édité par Prescrire, 2019, 208 pages (www.prescrire.org/visages)

Selon Cadus, « la double peine des victimes » et « le double langage de Servier »

L'association angevine Cadus (Conseil, aide et défense des usagers de la santé) n'est pas partie civile au procès pénal relatif au désastre Mediator°. Mais elle a accompagné 989 victimes (trois quarts d'entre elles pour des valvulopathies de grade 1 ou 2 ; un quart, toutes opérées, pour un grade 3) dans leurs démarches auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Avant le désastre Mediator°, l'association avait surtout aidé des victimes d'infections nosocomiales, et travaillé sur un seul médicament, le ropinirole (Requip°), un antiparkinsonien, suspecté de provoquer chez un patient des troubles compulsifs (jeu pathologique et comportements sexuels).

Selon Jacqueline Houdayer, présidente de Cadus, les victimes subissent « une double peine : elles sont victimes, et obligées de monter un dossier ». Elles ont peur de se tromper, ou sont découragées par leur médecin, si celui-ci leur dit que leur pathologie est liée à autre chose qu'à un médicament. Cadus les aide pour obtenir leur dossier médical auprès des médecins ou des établissements de soins, pour choisir la procédure et pour bâtir un dossier le plus complet possible sur leur préjudice (aide extérieure nécessaire, etc.). Ce « travail de fourmi », dont l'objectif est le lancement d'une expertise, est difficile, car certaines conséquences ne s'évaluent que des années après.

Dans le cas Mediator°, « au départ, on a ramé », se souvient Jacqueline Houdayer. L'action d'Irène Frachon, devenue présidente d'honneur de Cadus, a beaucoup fait. Le taux d'acceptation des dossiers et leur niveau d'indemnisation ont augmenté quand l'Oniam a recruté de nouveaux experts en échocardiographie, et que les connaissances ont progressé sur la cause médicamenteuse des valvulopathies. L'indemnisation d'une valvulopathie de grade 1 est passée d'environ 1 000 à 5 000 euros minimum.

Le dispositif benfluorex mis en place à l'Oniam, que Jacqueline Houdayer aimerait voir généralisé pour tout médicament, a facilité la procédure : expertises sur pièces (et non en présence de la victime) donc moins stressantes, gain de temps et d'argent puisque la victime n'a pas à payer l'expertise, ni l'obligation de prendre un avocat. « Devant une juridiction civile, la victime paie l'expertise, de l'ordre de 2 500 à 35 000 euros. Et certains avocats demandent 10, 12, 15 voire 18 % des sommes obtenues. Cela peut être le prix d'une maison », relève Jacqueline Houdayer. Cadus a fait appel à des avocats pour une dizaine de dossiers Mediator°, dont celui d'une femme de 35 ans opérée, pour calculer sa perte de salaire, sa retraite, le montant de l'aide à domicile, etc., en fonction de son espérance de vie.

La procédure Oniam a d'autant plus facilité les indemnisations qu'au civil Servier a « joué les marchands de tapis » sur certains dossiers. Au 31 janvier 2020, selon un décompte sur le site de la firme, sur près de 10 850 dossiers présentés à la justice civile ou à l'Oniam, 3 817 patients ont reçu une offre d'indemnisation, pour un montant de 184,9 millions d'euros, dont 155,8 déjà versés. Au procès pénal Mediator° en cours, Servier a présenté ses excuses aux victimes. « Des larmes de crocodiles, ont dénoncé en janvier 2020 plusieurs associations, dont Cadus, tandis que, parallèlement à la tenue du procès, se poursuivent sans relâche contestations, minimisations et insinuations diverses de la part de la firme face aux demandes légitimes de réparation formulées par des milliers de victimes ».

Le procès pénal est « utile, conclut Jacqueline Houdayer, pour faire réfléchir : les firmes, qui en fonction du jugement, réfléchiront à faire plus attention, à faire preuve de plus de transparence, à ne pas enfumer ; les médecins, qui auraient pu ne pas prescrire Mediator°, qui n'était pas fait pour maigrir ; les patients, qui ont perdu confiance dans le médicament et réfléchiront à deux fois avant d'en prendre un ».

Propos recueillis

par ©Prescrire en novembre 2019