Le Palmarès 2021 des médicaments

Chaque mois, dans la rubrique "Rayon des Nouveautés", la Rédaction de Prescrire distingue, parmi la masse des nouveautés commerciales, les médicaments à ajouter à la liste des moyens thérapeutiques utiles, et ceux à écarter des soins. Pour cela, elle analyse de façon méthodique les données d'évaluation disponibles et pertinentes concernant : les nouveaux médicaments, les nouvelles indications pour des médicaments déjà autorisés dans une autre situation clinique, et les nouvelles formes pharmaceutiques ou nouveaux dosages de médicaments existants.

Depuis 41 ans, l'équipe pluriprofessionnelle de Prescrire travaille en totale indépendance vis-à-vis des institutions et des firmes du domaine de la santé. Prescrire est financé exclusivement par les abonnés, sans subvention ni publicité ni actionnaire.

Le Palmarès 2021 des médicaments a été élaboré à partir des évaluations publiées dans Prescrire au cours de l'année 2021. Le progrès primé dans ce Palmarès peut consister en un supplément d'efficacité, une moindre fréquence ou une moindre gravité des effets indésirables (sous réserve d'une efficacité similaire), ou la possibilité d'utiliser un médicament utile de manière plus sûre ou plus pratique.

En 2021, neuf médicaments primés, dont deux Pilules d'Or

Cette année, deux médicaments constituent un progrès thérapeutique décisif justifiant une Pilule d'Or. Cinq médicaments sont inscrits au Tableau d'honneur, et deux médicaments sont Cités au Palmarès.

Tozinaméran, élasoméran et covid-19 : en 2021, forte réduction du risque de formes symptomatiques, y compris du risque de formes graves

L'année 2021 a été marquée, entre autres, par la mise à disposition de plusieurs vaccins covid-19. Deux d'entre eux sont à base d'un ARNm (acide ribonucléique messager) : le tozinaméran (Comirnaty°, firmes BioNTech et Pfizer) et l'élasoméran (Spikevax°, firme Moderna).

Dans des essais réalisés chez plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le contexte pandémique de 2020, ces deux vaccins ont fortement réduit, à court terme, le risque de maladie covid-19 symptomatique. De nombreuses études épidémiologiques, réalisées en 2020 et 2021, ont montré leur efficacité pour prévenir les formes graves de la maladie pendant les mois qui suivent la vaccination, y compris vis-à-vis de la plupart des variants du virus Sars-CoV-2 circulant au cours de l'année 2021. Les inconnues concernent notamment le maintien de leur efficacité sur de nouveaux variants émergents.

Chez les adolescents, l'efficacité de ces vaccins est vraisemblablement du même ordre que chez les adultes. Mais la maladie covid-19 étant rarement grave chez les adolescents, l'intérêt de leur vaccination, à titre individuel, est plus limité. Un intérêt de la vaccination à grande échelle, en lien avec une diminution des conséquences sociétales de l'épidémie, est probable pour tous.

Les effets indésirables à court terme du tozinaméran et de l'élasoméran sont surtout de fréquentes réactions locales et systémiques, comme avec les autres vaccins. Au cours des campagnes de vaccination, de très rares péricardites et myocardites ont été rapportées, surtout chez des adolescents et des hommes jeunes. Elles ont régressé le plus souvent en quelques jours. Les autres événements indésirables graves rapportés chez des personnes ayant reçu un de ces vaccins ont été notamment des réactions d'hypersensibilité, des syndromes de Guillain-Barré, des hémophilies acquises et des réactivations virales. Des inconnues persistent quant à d'éventuels effets indésirables à long terme.

Ces deux vaccins ont constitué un progrès thérapeutique majeur dans le contexte pandémique de covid-19 de l'année 2021, d'où l'attribution d'une Pilule d'Or pour chacun d'eux. Ils se sont ajoutés à d'autres outils de prévention, dont les gestes dits barrières.

Glucagon par voie nasale : plus pratique que par voie sous-cutanée ou intramusculaire

Le glucagon (une hormone hyperglycémiante) est un médicament essentiel en cas d'hypoglycémie avec perte de connaissance chez les patients diabétiques traités par insuline.

En France, le glucagon est disponible depuis de nombreuses années, sous forme de poudre pour solution à reconstituer (Glucagen°, Glucagen Kit°). La solution obtenue est à injecter par voie sous-cutanée ou intramusculaire.

Le glucagon est devenu commercialisé en France en poudre pour pulvérisation nasale (Baqsimi°). L'efficacité du glucagon est du même ordre par voie nasale qu'en injection. La facilité d'utilisation du pulvérisateur prêt à l'emploi est un progrès dans cette situation d'urgence, notamment hors milieu médical, ce qui justifie de le faire figurer au Tableau d'honneur de ce Palmarès. Il est important que l'entourage des personnes diabétiques sache quand et comment utiliser ce médicament. En France, au 15 décembre 2021, il est cher (environ 150 euros le dispositif pulvérisateur) et non remboursable par la Sécurité sociale, ce qui est regrettable (a).

Vaccin covid-19 Ad26.CoV2-S et vaccin covid-19 ChAdOx1-S : quand les vaccins à ARNm ne sont pas disponibles

Outre les vaccins à ARNm, deux autres vaccins covid-19 ont été autorisés dans l'Union européenne en 2021. Il s'agit de vaccins à vecteur viral : le vaccin covid-19 Ad26.CoV2-S (Covid-19 Vaccine Janssen°, firme Janssen Cilag) et le vaccin covid-19 ChAdOx1-S (Vaxzevria°, firme AstraZeneca).

Dans des essais réalisés chez plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le contexte pandémique de 2020, ces deux vaccins ont réduit, à court terme, le risque de maladie covid-19 symptomatique et les hospitalisations pour maladie covid-19. Des inconnues concernent notamment le maintien de leur efficacité sur de nouveaux variants émergents du Sars-CoV-2.

Les effets indésirables à court terme de ces deux vaccins sont ceux communs à la plupart des vaccins, notamment de fréquentes réactions locales et systémiques. Au cours des campagnes de vaccination, certaines thromboses rares mais graves, associées à une thrombopénie ou une hémorragie, ont été identifiées comme effets indésirables. Comme avec les vaccins covid-19 à ARNm, des inconnues subsistent quant au profil d'effets indésirables à long terme.

En pratique, la gravité des thromboses auxquelles ces deux vaccins exposent incite, en 2021, à les placer comme une alternative aux vaccins covid-19 à ARNm. En 2021, ils ont été particulièrement utiles dans des zones géographiques où les contraintes logistiques, de disponibilité ou de coûts empêchaient l'accès aux vaccins covid-19 à ARNm, de fait inopérants dans ces conditions. C'est pourquoi ces deux vaccins, qui constituent un moyen de lutte complémentaire face à l'épidémie de covid-19, figurent au Tableau d'honneur de ce Palmarès.

Givosiran et porphyrie hépatique aiguë : moins de crises, voire disparition des crises, au moins à court terme

Les porphyries hépatiques aiguës sont des maladies rares, liées à l'accumulation de certains précurseurs toxiques de l'hème, une molécule qui contient du fer ferreux et qui est présente notamment dans l'hémoglobine. L'affection provoque des crises graves, avec des douleurs abdominales intenses, souvent accompagnées de troubles neurologiques et psychiques. Ces crises constituent des urgences médicales. Elles sont parfois mortelles sans traitement. Les complications à long terme sont rénales, hépatiques et neurologiques.

Le traitement de référence lors d'une crise est l'hémine arginine (Normosang°). Ce médicament est parfois utilisé en prévention des crises, hors autorisation de mise sur le marché (hors AMM). Son utilisation est alors contraignante, avec 1 à 4 perfusions intraveineuses par mois.

Le givosiran (Givlaari°) est un acide ribonucléique "interférent", autorisé dans la prévention des crises de porphyrie hépatique. Dans un essai randomisé versus placebo mené en double aveugle chez 94 patients, la fréquence annuelle des crises nécessitant une hospitalisation, une consultation médicale en urgence ou l'administration d'hémine arginine a été estimée à 3 crises par patient dans le groupe givosiran, versus 12 crises par patient dans le groupe placebo. Durant cet essai d'une durée de 6 mois, 50 % des patients du groupe givosiran n'ont eu aucune crise, versus 17 % dans le groupe placebo.

Le givosiran expose surtout à : des réactions au site d'injection, des réactions d'hypersensibilité et des troubles hépatiques et rénaux, dont des insuffisances rénales. En prévention des crises, l'administration du givosiran, une seule fois par mois par voie sous-cutanée, est plus pratique que celle d'hémine arginine.

Ces données justifient d'inscrire le givosiran au Tableau d'honneur de ce Palmarès. Fin 2021, une efficacité du givosiran pour prévenir les complications à long terme de la maladie est une hypothèse non démontrée.

Rituximab et pemphigus dit vulgaire modéré à sévère : rémissions prolongées plus fréquentes

Le pemphigus dit vulgaire est une maladie auto-immune rare, qui touche la peau et les muqueuses, avec formation de bulles et d'érosions. C'est une maladie chronique, potentiellement grave, voire mortelle.

L'évaluation du rituximab (Mabthera° ou autre) dans cette situation clinique repose sur deux essais comparatifs : l'un en ajout à une corticothérapie par voie générale versus corticothérapie seule ; et l'autre versus mycophénolate mofétil (Cellcept° ou autre) un immunodépresseur parfois utilisé dans cette situation, chez des patients qui recevaient tous un corticoïde par voie orale. Dans chacun de ces essais, le rituximab a augmenté les chances de rémission, avec une durée médiane de rémission de 16 mois dans le groupe rituximab versus 4 mois dans l'essai en ajout à un corticoïde versus corticoïde seul ; et une rémission complète pendant au moins 16 semaines consécutives après un an de traitement chez 40 % des patients du groupe rituximab versus 9,5 % dans le groupe mycophénolate mofétil dans l'autre essai.

Le rituximab expose surtout à des infections, des réactions à la perfusion, des réactions d'hypersensibilité, des troubles cardiaques, des atteintes hématologiques, des pneumopathies interstitielles et des cancers.

L'efficacité démontrée du rituximab dans le pemphigus vulgaire justifie de l'inscrire au Tableau d'honneur de ce Palmarès.

Budésonide en comprimés orodispersibles et œsophagite à éosinophiles : soulagement des symptômes chez environ la moitié des patients

L'œsophagite à éosinophiles est une maladie chronique d'origine immunoallergique. Elle se manifeste par des symptômes gênant l'alimentation (notamment une dysphagie), d'où d'éventuelles répercussions importantes sur la vie quotidienne. Cette affection se complique parfois : d'un blocage complet de la nourriture dans l'œsophage, nécessitant une évacuation par endoscopie ; plus rarement, de ruptures ou perforations de l'œsophage ; et à plus long terme, de fibroses de l'œsophage.

Dans deux essais chez un peu plus de 200 patients, le budésonide en comprimés orodispersibles (Jorveza°) a soulagé les symptômes de dysphagie chez environ 50 % de patients de plus dans les groupes budésonide par rapport aux groupes placebo.

Le budésonide en comprimés orodispersibles expose surtout à des candidoses locales, et aux effets indésirables généraux des corticoïdes, notamment en cas de traitement prolongé. Des comprimés orodispersibles munis des garanties apportées par une AMM sont bienvenus dans cette situation, dans laquelle le budésonide était parfois utilisé hors AMM à partir de formes à inhaler.

Le progrès apporté par ces comprimés orodispersibles justifie de les citer au Palmarès. Il est toutefois dommage que la stratégie de traitement en continu n'ait pas été comparée à une stratégie de traitement discontinu, où le budésonide ne serait pris qu'en cas de réapparition des symptômes, avec alors une moindre exposition à ses effets indésirables.

Ivacaftor + tézacaftor + élexacaftor et mucoviscidose avec au moins une mutation deltaF508 : amélioration des symptômes respiratoires, et parfois réduction des exacerbations

La mucoviscidose est une maladie génétique grave, due à des mutations sur le gène codant pour la protéine CFTR (pour cystic fibrosis transmembrane conductance regulator, en anglais). La mutation la plus fréquente est la mutation deltaF508.

Chez les patients atteints de mucoviscidose avec au moins une mutation deltaF508 sur le gène CFTR, l'association ivacaftortézacaftorélexacaftor (Kaftrio°, des "modulateurs" de la protéine CFTR) a réduit la gêne liée aux symptômes respiratoires dans quatre essais comparatifs, d'une durée maximale de 24 semaines, chez au total 943 patients. Chez les patients hétérozygotes porteurs à la fois d'une mutation deltaF508 et d'une autre mutation entraînant une fonction dite minimale de la protéine CFTR, l'association ivacaftortézacaftorélexacaftor a aussi réduit la fréquence des exacerbations.

En contrepartie, l'association ivacaftortézacaftorélexacaftor expose notamment à des infections des voies respiratoires supérieures, des troubles hépatiques, des éruptions cutanées, des troubles musculaires et à de nombreuses interactions médicamenteuses.

L'efficacité démontrée, même si elle est surtout symptomatique et à court terme, est le principal argument pour citer cette triple association au Palmarès. Des inconnues subsistent à plus long terme concernant les effets indésirables et l'effet éventuel sur l'évolution de la maladie.

©Prescrire

Notes

a- Le 25 janvier 2022, Baqsimi° est devenu remboursable par la Sécurité sociale à 65 % et agréé aux collectivités.

Pilule d'Or 2021

Une Pilule d'Or est attribuée aux médicaments qui constituent un progrès thérapeutique décisif dans un domaine où patients et soignants étaient totalement démunis.

• COMIRNATY° (tozinaméran) – BioNTech (représentant en France : Pfizer)

• SPIKEVAX° (élasoméran) – Moderna

Dans l'immunisation active contre le virus Sars-CoV-2 en prévention de la maladie covid-19 (nos 450, 455 et 457).

Tableau d'honneur en 2021

Les médicaments inscrits au Tableau d'honneur apportent un progrès net pour certains patients par rapport aux moyens thérapeutiques déjà disponibles, avec certaines limites.

• BAQSIMI° (glucagon par voie nasale) – Lilly

Dans les hypoglycémies sévères chez les patients diabétiques âgés de 4 ans ou plus (n° 455).

• COVID-19 VACCINE JANSSEN° (vaccin covid-19 Ad26.CoV2-S) – Janssen Cilag

Dans l'immunisation active contre le virus Sars-CoV-2 en prévention de la maladie covid-19 (n° 453).

• GIVLAARI° (givosiran) – Alnylam

Dans la porphyrie hépatique aiguë chez les patients âgés de 12 ans ou plus (n° 450).

• MABTHERA° ou autre (rituximab) – Roche

Dans le pemphigus vulgaris modéré à sévère, chez les adultes (n° 448).

• VAXZEVRIA° (vaccin covid-19 ChAdOx1-S) – AstraZeneca

Dans l'immunisation active contre le virus Sars-CoV-2 en prévention de la maladie covid-19 (n° 452).

Cités au Palmarès en 2021

Les médicaments "Cités au Palmarès" contribuent à améliorer, modestement, les moyens de prise en charge des patients.

• JORVEZA° (budésonide en comprimés orodispersibles) – Dr. Falk Pharma

Dans l'œsophagite à éosinophiles chez les adultes (n° 455).

• KAFTRIO° (ivacaftortézacaftorélexacaftor) – Vertex Pharmaceuticals

Dans la mucoviscidose chez les patients âgés de 12 ans ou plus, porteurs d'au moins une mutation deltaF508 du gène CFTR (n° 458).