Chaque mois, dans la rubrique "Rayon des Nouveautés", la Rédaction de Prescrire aide à faire le tri parmi les très nombreuses nouveautés médicamenteuses, en distinguant celles qui sont à ajouter à la liste des moyens thérapeutiques utiles pour mieux soigner de celles qui sont à écarter des soins. Pour cela, la Rédaction analyse de façon méthodique les données d'évaluation disponibles et pertinentes concernant les nouveaux médicaments, nouvelles indications, nouvelles formes pharmaceutiques et nouveaux dosages. Le Palmarès 2023 des médicaments a été élaboré à partir des synthèses publiées dans Prescrire au cours de l'année 2023.
Depuis 43 ans, l'équipe pluriprofessionnelle de Prescrire travaille en totale indépendance vis-à-vis des firmes du domaine de la santé.
En 2023, pas de Pilule d'Or et seulement un médicament primé
En 2023, aucun des médicaments analysés par Prescrire n'a apporté de progrès thérapeutique décisif à même de justifier une Pilule d'Or. Seul un médicament est primé, et est inscrit au Tableau d'Honneur.
Tableau d'Honneur : le blinatumomab (Blincyto°) dans la leucémie aiguë lymphoblastique lors d'une première rechute à haut risque chez les enfants
Environ 15 % à 20 % des enfants atteints d'une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) ont une rechute après un traitement de première ligne. La rechute est dite à haut risque quand elle survient dans les 18 mois suivant le diagnostic ou dans les 6 mois après la fin du traitement de première ligne. Le traitement est alors le plus souvent constitué de plusieurs phases de chimiothérapie, sans protocole de référence.
Chez les enfants atteints d'une LAL avec chromosome Philadelphie négatif ayant une première rechute à haut risque, le blinatumomab (un anticorps monoclonal anti-CD19 et anti-CD3) a été évalué en traitement dit de consolidation versus chimiothérapie dans un essai randomisé, sans procédure d'aveugle, chez 108 patients. Après un suivi d'au moins 31 mois pour la moitié des patients, la mortalité a été d'environ 17 % dans le groupe blinatumomab versus 43 % dans le groupe chimiothérapie. Des données avec plus de recul ont été publiées après la mise à jour de la recherche documentaire de notre texte (1). Selon ces données, obtenues après un suivi d'au moins 44 mois pour la moitié des patients, la mortalité à 4 ans a été estimée à 23 % dans le groupe blinatumomab versus 51 % dans le groupe témoin. Ces différences de mortalité sont statistiquement significatives.
Un autre essai randomisé, sans procédure d'aveugle, a comparé le blinatumomab à une posologie différente de celle préconisée dans le résumé des caractéristiques (RCP) européen, versus chimiothérapie. Les résultats ont aussi montré une diminution de la mortalité dans le groupe blinatumomab.
Le blinatumomab expose notamment à des : troubles neurologiques, pancréatites, syndromes de lyse tumorale, atteintes hématologiques. Dans ces essais, les effets indésirables graves du blinatumomab ont paru moins fréquents que ceux des chimiothérapies. Mais l'absence de procédure d'aveugle fragilise ces données.
Une diminution notable de la mortalité, démontrée dans deux essais randomisés comparatifs chez des enfants atteints d'une LAL en première rechute à haut risque, est un progrès net qui justifie l'inscription du blinatumomab au Tableau d'Honneur de ce Palmarès.
Le cas du blinatumomab illustre le fait que la balance bénéfices-risques d'un médicament dépend de la situation clinique. En effet, faute de démonstration d'un avantage clinique, la balance bénéfices-risques du blinatumomab est défavorable chez les adultes atteints d'une LAL en rémission avec des cellules tumorales résiduelles (lire n° 443, p. 653-654).
Notes
1- Locatelli F et coll. "Improved survival and MRD remission with blinatumomab vs. chemotherapy in children with first high-risk relapse B-ALL" Leukemia 2023 ; 37 (1) : 222-225.
