Résumé
Un double-placebo est parfois nécessaire pour respecter le "double aveugle".
Pour le traitement préventif des thromboses veineuses en chirurgie orthopédique, le dossier initial d'évaluation du dabigatran (Pradaxa°), un anticoagulant par voie orale, reposait essentiellement sur deux essais comparatifs randomisés. Prescrire vous propose de lire des extraits d'une version publiée du compte rendu d'un de ces essais, puis de répondre à une question. Suivent la réponse et les commentaires de la Rédaction.
Extraits de la publication d'un compte rendu d'essai
« Dabigatran étexilate par voie orale versus énoxaparine sous-cutanée pour la prévention de la maladie thromboembolique veineuse après prothèse totale du genou : essai randomisé Re-Model
(…) Le but de cette étude était d'établir l'efficacité et les effets indésirables de deux doses de dabigatran étexilate (150 mg et 220 mg une fois par jour), par un essai de non-infériorité en comparaison à une héparine de bas poids moléculaire, l'énoxaparine, pour la prévention des événements thromboemboliques veineux après pose de prothèse totale du genou.
(…)
Conception de l'essai
Il s'agissait d'un essai de non-infériorité, randomisé, en double aveugle, versus témoin actif, mené dans 105 centres en Europe, Australie et Afrique du Sud. (…). Les patients se sont vu attribuer un traitement soit par dabigatran étexilate par voie orale à raison de 150 mg ou 220 mg, soit par énoxaparine (…), à raison de 40 mg par voie sous-cutanée une fois par jour. Les trois groupes ont reçu un traitement actif et un placebo d'apparence identique. Les patients ont reçu deux comprimés le matin et une injection sous-cutanée quotidienne le soir.
(…) La conception et la mise en œuvre de l'essai ont été dirigées par le Comité directeur en coordination avec le sponsor de l'essai. Le sponsor a été responsable du recueil des données et de l'analyse statistique (…). L'interprétation des données, la préparation et la soumission du compte rendu ont été réalisées par le Comité directeur, qui a eu un accès complet à toutes les données. L'essai a été supervisé par un groupe indépendant effectuant un contrôle des données et des effets indésirables ».
Traduction©Prescrire
bibliographie
1- Eriksson BI et coll. "Oral dabigatran etexilate vs. subcutaneous enoxaparine for the prevention of venous thromboembolism after total knee replacement: The Re-Model randomized trial" J Thromb Haemost 2007 ; 5 : 2178-2185.
Sachant que le dabigatran est administré par voie orale et l'énoxaparine par voie sous-cutanée, comment le double aveugle a-t-il été respecté ?
Proposition de réponse et commentaires de la Rédaction
Les patients des groupes dabigatran ont reçu une injection sous-cutanée quotidienne d'un placebo identique en apparence à l'énoxaparine. Les patients du groupe énoxaparine ont reçu en plus deux comprimés par jour d'un placebo d'apparence identique au dabigatran. C'est ce qu'on appelle la technique du double-placebo, qui vise à assurer l'insu, alias "l'aveugle", et à préserver le secret d'assignation dans un groupe donné.
La technique du double-placebo permet le respect de l'insu lorsqu'on utilise des traitements ayant des voies d'administration différentes. Nous avons aussi abordé cette technique dans l'exercice n° 3 des Lectures critiques Prescrire (annexe au numéro 291, accessible sur le site formations.prescrire.org).
Il importe cependant de vérifier en fin d'essai que le secret d'assignation a bien été respecté en interrogeant les soignants et les patients sur le médicament qu'ils pensent avoir reçu. Par exemple, des réactions aux points d'injections, plus fréquentes sous énoxaparine, pourraient indiquer dans quel groupe un patient particulier a été assigné.
Pour les gourmands retrouvez de plus larges extraits de ce document, d'autres questions, et les propositions de réponses et commentaires de la Rédaction à ces questions sur : formations.prescrire.org (Exercice N°12 – Qui réalise les essais cliniques ?).