La route tue. De moins en moins. Environ 4 000 personnes en France en 2015.
Le médicament tue. Beaucoup plus. De l'ordre de 20 000 personnes au moins chaque année en France, d'après des estimations sérieuses faites en 2010.
Pour réduire le nombre de morts sur la route, il a fallu durcir les normes et les contrôles pour avoir des véhicules de plus en plus sûrs, améliorer les infrastructures et la formation des conducteurs, et les inciter fermement à attacher les ceintures de sécurité, à réduire leur vitesse et à s'abstenir de boire de l'alcool, avec des sanctions et des obligations de nouvelles formations en cas de non-respect de ces règles.
Prendre un médicament, c'est un peu comme monter dans un véhicule. On espère que son fabriquant a fait son possible pour limiter les accidents et leurs conséquences. On espère que les règlements édictés par les pouvoirs publics sont faits avec la préoccupation de protéger les usagers. On espère que les organismes chargés de s'assurer de la sécurité avant et après commercialisation travaillent avec rigueur et indépendance. Tout cela est nécessaire, mais pas suffisant pour éviter les accidents.
On espère aussi que le conducteur est un bon conducteur, qui ne se contente pas de respecter les priorités et les limitations de vitesse. Un bon conducteur anticipe et envisage à chaque instant la survenue possible d'un événement imprévu.
Un professionnel qui prescrit, conseille, dispense ou administre un médicament ne peut se contenter de suivre à la lettre le résumé des caractéristiques (RCP) du médicament, les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), ou les conseils de Prescrire. Il a aussi à envisager et anticiper : une erreur de prise médicamenteuse ; l'éventualité d'une grossesse ; le risque d'effet indésirable en cas de survenue d'un événement intercurrent tel qu'infection, chute, déshydratation ; la prise d'un autre médicament en automédication ou sur les conseils d'un autre professionnel de santé ; l'ingestion accidentelle par un enfant ; etc. Des situations qui surviennent beaucoup plus souvent dans la vie de tous les jours que dans les essais cliniques. Des éventualités à prendre en compte pour déterminer au cas par cas la balance bénéfices-risques d'un médicament et pour adapter les conseils au patient et à son entourage.
Après l'accident, il ne reste que la douleur et le regret de ne pas avoir anticipé la plaque de verglas ou l'effet indésirable évitable qui a tout fait déraper.