Mortels

La mortalité est un critère d'évaluation particulièrement déterminant. Mais, lors d'un essai, après quel délai mesurer la mortalité ? À très long terme, tout le monde meurt… À trop court terme, l'évolution naturelle de certaines maladies rend peu probable l'observation de morts, avec des résultats ininterprétables. Mais il n'y a pas que la maladie qui tue. Parfois c'est le médicament. Et quand un médicament parvient sur le marché, il n'en sort pas avant des années (lire aussi "Retraits de médicaments du marché pour effets indésirables : nombreux mais souvent tardifs").

Ainsi, dans l'évaluation des anticancéreux, particulièrement toxiques, il n'est pas rare de constater à la fois un allongement modeste de la durée de survie au bout de plusieurs mois de traitement, mais aussi un excès de mortalité précoce en raison de la toxicité du traitement.

Le lévosimendan (Zimino°, lire aussi "lévosimendan (Zimino°) et décompensation d'une insuffisance cardiaque") est un cardiotonique autorisé pour des patients atteints d'insuffisance cardiaque chronique sévère en décompensation aiguë. Chez ces patients au cœur très fatigué, il est prévisible qu'une stimulation expose parfois à une mort rapide. C'est une question restée non résolue avec d'autres cardiotoniques. Pourtant, l'évaluation clinique du lévosimendan n'a pas été conçue pour répondre à cette question. Ni même après avoir constatéune surmortalité numérique dans le groupe lévosimendan dans les premiers jours de l'essai par rapport au groupe placebo. L'éventualité que le médicament puisse être mortel n'a tout simplement pas été prise en compte.

Gardons les yeux ouverts. Les médicaments sont un outil parfois utile pour améliorer la santé, mais ils sont souvent dangereux, au point d'être parfois mortels. L'évaluation des médicaments doit aider à regarder la réalité en face, et non à poser un voile pudique sur une mauvaise nouvelle qu'on ne voudrait pas connaître.

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