En France, plus d'un million de travailleurs en milieu agricole sont plus ou moins exposés aux pesticides, avec des conséquences néfastes sur leur santé : certaines sont suspectées mais d'autres sont avérées, telles que cancers, maladies neurologiques, troubles de la reproduction et du développement, etc. (1à4).
Que sait-on des situations et des niveaux d'expositions dans les conditions réelles de travail ? Comment s'organise cette surveillance ?
Données parcellaires et difficilement accessibles
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a analysé diverses données publiées, notamment issues de dispositifs de surveillance censés détecter les affections liées à des expositions aux pesticides agricoles. Les données de surveillance de ces expositions provenaient surtout du Réseau de toxicovigilance de la Mutualité sociale agricole. D'autres données, produites pour l'homologation des pesticides, ont été prises en compte. L'analyse a porté en particulier sur les expositions aux antiparasitaires externes en élevage ovin, et celles après traitements par des pesticides en arboriculture (1).
Le constat de l'Anses est accablant : dans les deux cas d'expositions étudiés et plus généralement dans la plupart des tâches agricoles, les données disponibles sur les expositions en France sont rares et aucun organisme n'est chargé de les produire (a)(1).
Les quelques données d'exposition existantes, en France et surtout à l'étranger, ne sont pas centralisées. Elles sont peu ou pas accessibles et difficilement extrapolables d'un pays à l'autre. En partie produites par les firmes intéressées à la vente des pesticides, elles restent souvent leur propriété, sous couvert de secret industriel. Ces règles de confidentialité concernent aussi certaines données administratives françaises. L'Anses reconnaît que ces règles « sont parfois interprétées de façon excessive, empêchant de traiter correctement les enjeux de santé publique » (1).
Déni des risques
Sans connaissances suffisantes sur les expositions aux pesticides dans les conditions réelles de travail, il n'y a pas d'évaluation solide des risques, ni avant ni après l'homologation des produits. Ces inconnues entravent une généralisation des mesures de réduction des expositions à risque pour la santé des travailleurs agricoles, par manque d'évaluation en situation réelle d'éventuelles mesures de prévention adaptées (1).
Un déni des risques, qui retarde encore en 2017 l'instauration de mesures collectives de réduction de l'utilisation de substances dangereuses. Et des travailleurs agricoles restent dangereusement exposés, dans des proportions méconnues, en nombre de travailleurs exposés et en quantité d'exposition.
Notes
a- Le rapport complet de l'Anses comprend plus de 1 000 pages, en ligne sur le site www.anses.fr.