Qu'il s'agisse de prothèses mammaires ou d'un stimulateur cardiaque, la commercialisation des dispositifs médicaux n'est pas soumise à une autorisation de mise sur le marché (AMM). Seul un marquage CE (conformité européenne) est requis, attribué par des organismes souvent privés, sur la base d'une documentation technique (1). Une situation propice aux abus et aux désastres.
Matériovigilance : manque de moyens humains et de réactivité
L'enquête internationale de journalistes dite des "implant files" a mis en lumière de nombreuses failles du marché des dispositifs médicaux dans le monde entier, au détriment des patients (2). En l'absence d'AMM, les autorités réagissent surtout après coup aux signalements de dysfonctionnements, ou à une matériovigilance active. Or cette surveillance est déficiente en France, comme le montre un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) (3). « Pour la seule année 2017, les 19 évaluateurs [de l'Agence du médicament] (…) ont assuré le traitement de 17 142 signalements, dont 13 467 ont nécessité une investigation (signalements majeurs et critiques). Une telle charge les contraint à travailler à flux tendu (…) et à traiter certains dossiers majeurs (environ 60 %) de manière allégée (…). Il s'ensuit des délais globaux de mise en place de mesures correctives suite à un incident très variables (de 21 à 215 jours), plutôt longs (95 jours en moyenne) et non corrélés à la gravité de l'incident » (3).
Protéger les patients avant et après la commercialisation
En réaction, le gouvernement français a annoncé des actions visant notamment à « renforcer l'évaluation et l'encadrement des pratiques de poses des dispositifs médicaux notamment pour les plus à risque » et « garantir la traçabilité des dispositifs médicaux implantables dans les établissements de santé » (4).
La matériovigilance est à renforcer considérablement, tout comme l'évaluation des pratiques et la traçabilité. Mais, le contrôle de l'accès au marché européen des dispositifs médicaux à haut risque ne doit pas être oublié, afin que les dangers soient détectés avant que les patients y soient exposés. Le domaine des médicaments montre qu'une AMM ne suffit pas en soi à garantir l'intérêt des patients, surtout quand les exigences pour l'obtenir sont faibles. Mais la mise en place d'une AMM européenne pour les dispositifs médicaux serait un progrès notable, marquant la reconnaissance par les autorités publiques de leur responsabilité centrale dans ce domaine.
Le nouveau règlement européen, qui va entrer en vigueur en 2020, ne prévoit toujours pas de contrôler l'accès au marché des dispositifs médicaux les plus à risque (5). On espère que les autorités, françaises et autres, vont réclamer cette mise en place, afin de protéger les patients, comme le propose aussi un rapport de l'Assemblée nationale de mars 2019 (6).