"Big data" par-ci, "données de vie réelle" par-là, les données de santé suscitent, à l'approche des années 2020, beaucoup d'espoirs et aussi d'appétits financiers.
Big data : des opportunités
Les big data (données massives en français) de santé sont des données numérisées produites par les systèmes de soins, de prise en charge et de commerce de soins, par les réseaux sociaux, les objets connectés et autres "applications santé" et par les moteurs de recherche. Valorisées souvent comme de nouvelles "données de vie réelle", elles ont de nombreuses utilisations potentielles. Elles permettent tout particulièrement de repérer des effets indésirables rares mais graves liés aux soins, par exemple en évaluant le nombre de morts provoquées par l'utilisation de benfluorex (ex-Mediator° ou autre) (1).
Ces données massives de santé complètent utilement les connaissances sur les médicaments après autorisation de mise sur le marché (AMM). Pour autant, leur disponibilité accrue ne doit pas servir de prétexte pour brader les essais cliniques avant AMM, ni les études rigoureuses après AMM (1). La fiabilité de ces données massives pour évaluer l'efficacité d'un médicament reste en effet problématique, avec de nombreux biais d'interprétation que les essais cliniques comparatifs randomisés sont mieux à même de limiter, grâce notamment au tirage au sort et au double aveugle (2).
Le business du big data : Europe versus USA et Asie
L'exploitation et la commercialisation des données massives de santé suscitent de grands appétits financiers. Certains opérateurs comptent piocher dans des données recueillies, en partie à l'insu des personnes, à partir des réseaux sociaux, des recherches internet, et autres applications santé, pour créer et exploiter des bases de données. C'est le cas des géants étatsuniens et asiatiques de l'internet, des réseaux sociaux, des smartphones et autres objets connectés. Mais le règlement général européen sur la protection des données (RGPD) oblige depuis 2018 les opérateurs agissant en Europe à obtenir l'autorisation des personnes pour utiliser leurs données, et à leur permettre de contrôler cet accès (3).
Certains opérateurs ont rapidement intégré cette contrainte. L'un d'eux s'est allié début 2019 à l'Institut Gustave-Roussy pour accéder aux données santé de patients volontaires, dont le consentement est tracé dans ces données, contre une rémunération en jetons numériques convertibles en argent (4). Ce consortium a aussi pour partenaires les firmes Servier et Pierre Fabre, cette dernière s'enthousiasmant à l'idée de « faire évoluer le processus d'approbation des médicaments » (5).
La chasse aux données de vie et de santé des patients est ouverte.