Méta-analyses : savoir mettre en doute leur fiabilité

Les méta-analyses (synthèses méthodiques quantitatives) sont souvent considérées comme des preuves de haut niveau à l'appui de recommandations ou de décisions de soins (1,2). Mais, comme dans les essais cliniques et toutes les publications en général, on y trouve de tout : de la qualité, des biais, voire de la tromperie (1,2).

Des méta-analyses biaisées sur l'apixaban

Des experts de l'Agence étatsunienne du médicament (FDA) ont mis en évidence des falsifications dans des publications des résultats de l'essai clinique dit Aristotle ayant comparé l'apixaban (Eliquis°), un anticoagulant oral inhibiteur du facteur Xa, versus warfarine, un anticoagulant oral antivitamine K, dans la fibrillation auriculaire (3).

Une équipe a recensé 22 méta-analyses des essais de l'apixaban qui avaient inclus les résultats de l'essai "Aristotle". Ils ont alors refait les méta-analyses sans inclure les résultats de cet essai. Les résultats obtenus s'en trouvaient modifiés dans 46 % des cas, et la conclusion était différente dans 32 % des cas, en défaveur de l'apixaban par rapport à la warfarine, l'anticoagulant de référence (a)(3,4).

Un grand nombre de méta-analyses peu fiables

Cet exemple en confirme d'autres. Une étude publiée en 2016, portant sur 118 méta-analyses publiées en 2013 par les Annals of Internal Medicine, le BMJ, le JAMA, le Lancet et le réseau Cochrane, a montré que la moitié seulement des auteurs de ces méta-analyses avaient recherché de manière approfondie dans les publications retenues la possibilité d'une mauvaise pratique de recherche (par exemple publications multiples) qui aurait pu influencer les résultats (5).

Une étude portant sur près de 700 méta-analyses publiées en 2014 a montré que l'évaluation de la qualité et du risque de biais des études incluses dans ces méta-analyses n'avait été réalisée que dans environ 70 % des cas (6).

Les résultats des méta-analyses sont d'une fiabilité relative, qui dépend beaucoup de la qualité méthodologique des essais pris en compte. Selon un spécialiste des publications médicales de l'université Stanford, la grande proportion de méta-analyses inutiles, trompeuses et contradictoires dans la masse croissante des méta-analyses impose d'en corriger le mode de publication, pour en chasser les biais et les intérêts partisans (2).

©Prescrire

Notes

a- Ces biais altèrent les résultats de mortalité, toutes causes confondues, dans l'essai Aristotle. Ils ont été pris en compte dans notre synthèse sur le choix d'un anticoagulant oral dans la fibrillation auriculaire et nous ont conduits à considérer comme non statistiquement significative la différence de mortalité rapportée dans le compte rendu publié de l'essai. Par ailleurs, aucune méta-analyse des essais des anticoagulants oraux directs n'a été retenue dans notre synthèse. Les conclusions de celle-ci ne sont donc pas modifiées.

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Méta-analyse d'essais cliniques : une synthèse méthodique et quantifiée, avec des limites" Rev Prescrire 2014 ; 34 (373) : 862-865.

2- Ioannidis JPA "The mass production of redundant, misleading, and conflicted systematic reviews and meta-analyses" Milbank Q 2016 ; 94 (3) : 485-514.

3- Garmendia CA et coll. "Evaluation of the inclusion of studies identified by the FDA as having falsified data in the results of meta-analyses : the example of the apixaban trials" JAMA Intern Med 2019 ; 179 (4) : 582-584.

4- Prescrire Rédaction "Anticoagulant oral dans la fibrillation auriculaire. Warfarine, ou apixaban, selon la situation clinique" Rev Prescrire 2019 ; 39 (425) : 194-205.

5- Elia N et coll. "How do authors of systematic reviews deal with research malpractice and misconduct in original studies ? A cross sectional analysis of systematic reviews and survey of their authors" BMJ Open 2016 ; 6 : e010442, 10 pages.

6- Page MJ et coll. "Epidemiology and reporting characteristics of systematic reviews of biomedical research : a cross-sectional study" PLoS Med 2016 ; 10.1371 : 30 pages.