On peut bien sûr utiliser, faute de mieux, un médicament connu pour exposer à des effets indésirables graves, à condition d'agir en connaissance de cause et que les bénéfices cliniques soient importants et démontrés solidement. En somme, que la balance bénéfices-risques soit favorable dans la situation clinique en question.
Le dénosumab dosé à 60 mg (Prolia°) est commercialisé en France depuis 2012. Il expose à de nombreux effets indésirables, notamment des infections, des cancers, des réactions d'hypersensibilité, des ostéonécroses de la mâchoire et du conduit auditif externe, des fractures vertébrales multiples après l'arrêt du médicament, des hypocalcémies graves, voire mortelles, des atteintes auto-immunes.
L'Agence européenne du médicament (EMA) a émis un avis favorable pour étendre l'autorisation de ce médicament à la prévention de l'ostéoporose causée par une corticothérapie au long cours. Cet avis a conduit à l'ajout de cette indication à son autorisation de mise sur le marché (AMM) (lire aussi "dénosumab (Prolia) et ostéoporose cortisonique"). Au vu de son profil d'effets indésirables connus, déjà chargé, on s'attend à ce que son évaluation dans la prévention de l'ostéoporose sous corticoïde soit particulièrement solide et qu'elle repose sur des critères cliniques utiles pour les patients. Mais après analyse des éléments de l'évaluation, on est loin du compte : un seul essai a évalué l'effet du dénosumab, avec comme critère principal un critère radiologique, sans preuve d'efficacité clinique.
Comment se fait-il que l'EMA accorde plus d'importance à des bénéfices cliniques hypothétiques qu'aux effets indésirables cliniques graves et avérés ? Quelles sont ces œillères qui empêchent de voir les patients qui tombent sur le bord du chemin ?
