En 2020, l'alcool reste une des premières causes de mortalité évitable en France. Pourtant, peu est fait par les responsables politiques pour lutter contre sa consommation excessive. Comme s'ils donnaient plus d'importance aux résultats économiques immédiats qu'aux conséquences sanitaires.
Une politique de prévention insuffisante, avec des reculades
Selon une enquête réalisée en 2017 en France auprès d'environ 10 500 jeunes âgés de 17 ans, les trois quarts se souvenaient du type d'alcool de la dernière publicité vue ou entendue. Un quart de ces jeunes se souvenaient de la boisson promue, et un quart avaient ressenti l'envie de la consommer (1). L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) note que ce lien entre l'exposition à la publicité sur l'alcool et les comportements d'alcoolisation des adolescents avait déjà été établi par diverses études. Commentant ces résultats, l'Observatoire a regretté que la publicité pour les boissons alcoolisées « bénéficiant d'une appellation de qualité, d'origine ou liée à une tradition locale » ait été assouplie en 2016 « sous la pression d'intérêts économiques » (1).
Un rapport sur la santé en France établi par plusieurs institutions internationales a aussi souligné ce recul par rapport à la loi Évin, qui a réglementé la publicité pour les boissons alcoolisées en 1991. Les auteurs du rapport notent que la consommation d'alcool a diminué en France de 2000 à 2012, mais qu'elle s'est stabilisée depuis 2013 et demeure supérieure de presque 20 % à la moyenne de l'Union européenne (2). Le rapport rappelle à cette occasion la faiblesse historique de la santé publique en France, qui par exemple concentre son action dans le domaine de l'alcool sur des messages de mise en garde (2).
Pas de "Janvier sans alcool" : triste particularisme français
L'épisode du "Janvier sans alcool" est un exemple criant de cette faiblesse historique. Le principal organisme français de santé publique, Santé publique France, avait planifié la mise en œuvre d'une campagne couronnée de succès dans d'autres pays pour limiter la consommation d'alcool durant un mois : le "Dry January". Mais le président de la République a décidé qu'il n'y aurait pas de "Janvier sans alcool" en France, décision annoncée à la presse par… les vignerons qu'il venait de rencontrer. Heureusement, des associations ont repris cette campagne à leur compte (3).
Autre point aveugle en France sur les dégâts de l'alcool : les violences faites aux personnes. À l'issue du Grenelle des violences conjugales, des addictologues et des proches de personnes dépendantes à l'alcool ont regretté la prise en compte insuffisante du rôle de l'alcool dans ces violences : « dans notre pays, la moindre mesure, aussi justifiée soit-elle, touchant à la consommation d'alcool, devient un problème politique paralysant les décisions » (4).
En France, manifestement, moins consommer d'alcool pose un problème aux responsables politiques, qui acceptent que cet aspect crucial de la santé publique soit aux mains du lobby de l'alcool.