Un médicament efficace dans la maladie d'Alzheimer ? Aucun doute qu'un tel médicament serait plus que bienvenu pour nombre de patients, leurs proches et les soignants. Et pourtant, l'annonce par la Food and Drug Administration (FDA) étatsunienne d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour ce qu'elle a qualifié de « premier traitement agissant sur le processus sous-jacent à la maladie d'Alzheimer » a été accueillie par de nombreuses critiques (1).
Pas de preuve clinique
L'histoire de l'aducanumab (Aduhelm°) est récente mais mouvementée. Les deux essais cliniques initiaux de phase 3 n'ayant pas démontré d'efficacité sur la progression de la maladie, la firme les a arrêtés (2). Puis elle a réanalysé les données et a fait une demande d'AMM auprès de la FDA, sur la base surtout d'une réduction des plaques amyloïdes (2à4).
En 2020, le comité d'experts sur les maladies du système nerveux de la FDA a donné un avis négatif à cette demande, presque à l'unanimité. Mais la FDA a délivré quand même une AMM accélérée pour tous les malades, en s'appuyant sur la réduction des plaques amyloïdes, un critère non clinique dont le lien avec l'évolution de la maladie n'a pas été retrouvé dans de nombreuses études (1,3,4). Et la FDA a accordé à la firme un délai de 9 ans pour réaliser un autre essai comparatif sur des critères cliniques (3).
Si l'efficacité clinique de ce médicament sur l'évolution de la maladie d'Alzheimer n'a pas été démontrée dans les essais cliniques, le médicament est effectivement actif sur les plaques amyloïdes, au point d'entraîner des œdèmes cérébraux chez environ un tiers des patients… (4).
Cette AMM a suscité de nombreuses critiques et a conduit à la démission de trois membres du comité d'experts (2à4).
Un avenir commercial prometteur
D'ici 2030, avec un prix de 56 000 dollars le traitement annuel, la firme saura certainement alimenter une forte demande pour ce médicament, par des investissements en publicité dans la presse et auprès des personnes concernées, par des incitations financières auprès des médecins prescripteurs, et en "formation" continue.
Des publications continuent à confirmer la grande efficacité du marketing pharmaceutique. Par exemple, une étude montre que les publicités d'une revue médicale danoise en 2015 concernaient surtout des médicaments sans valeur thérapeutique ajoutée et plus chers que les médicaments de référence (5). Une étude réalisée aux États-Unis d'Amérique montre un lien entre les avantages reçus par les médecins entre 2016 et 2017 et leurs prescriptions des insulines les plus chères (6). La fondatrice du Centre pour une prescription rationnelle de Washington rappelle que la « formation médicale financée par les firmes est utilisée comme moyen promotionnel » (7).
En somme, malgré l'absence d'efficacité démontrée de l'aducanumab dans la maladie d'Alzheimer, tout est en place pour qu'il suscite l'espoir des patients et de leurs proches, et surtout les intérêts de la firme et de ses actionnaires. Une fois de plus…