Fin juin 2022, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement qui imposerait une réduction de 50 % de l'utilisation des pesticides pour les plantes dans l'Union européenne d'ici 2030 par rapport à leur utilisation moyenne entre 2015 et 2017 (1).
Ce règlement remplacerait une directive de 2009 qui visait déjà une baisse de l'usage des pesticides, mais qui a largement échoué. Le caractère contraignant des objectifs fixés par le nouveau règlement pourrait changer la donne. L'objectif de réduction pourrait aller de 35 % pour les États qui consomment le moins de pesticides, jusqu'à 65 % pour les plus gros utilisateurs, qui n'ont fait jusqu'ici que peu ou pas d'efforts (1).
La Commission européenne n'a pas fléchi…
Les ambitions de la Commission, affichées dès mai 2020, ont d'emblée rencontré une vive opposition de la part de nombreux États, d'industriels des pesticides et de défenseurs de l'agriculture intensive. Les opposants à ce nouveau règlement ont aussi invoqué la guerre en Ukraine pour remettre en cause le verdissement de l'agriculture européenne, qui, selon eux, menacerait la sécurité alimentaire mondiale (2à4). Cette manœuvre a fonctionné et a fait craindre un report, voire un affaiblissement du projet de la Commission. Finalement, même si la proposition de règlement a été publiée avec du retard, les ambitions sont restées intactes (4,5).
…mais l'indicateur de risque reste inadapté
Un défaut persiste, relevé par l'association environnementale autrichienne Global 2000 : l'indicateur choisi pour mesurer la réduction de l'utilisation des pesticides et des risques associés semble inadapté. Cet "indicateur de risques harmonisé 1" (HRI 1) s'obtient en multipliant les quantités de substances actives pesticides vendues annuellement par un coefficient censé refléter leur dangerosité (6). Or ce coefficient, très grossièrement défini, attribue souvent la même valeur à des substances à faible risque utilisées en agriculture biologique et à des substances beaucoup plus toxiques utilisées en agriculture conventionnelle (6).
De plus, la quantité est un indicateur trompeur : réduire de moitié les quantités de pesticides utilisées « serait possible en remplaçant des pesticides efficaces à doses élevées par des pesticides efficaces à doses faibles », note l'ONG de défense des consommateurs Foodwatch, sans réduire leur utilisation réelle ni les surfaces traitées (6,7). En outre, en agriculture biologique, les substances autorisées s'appliquent souvent dans des quantités plus élevées et sont donc désavantagées par l'indicateur HRI 1 (6).
Un tournant positif à prendre et confirmer
Les annonces de la Commission européenne marquent un tournant important, que nombre d'États membres rechignent cependant à prendre. Il reste à élaborer un critère plus exigeant et plus pertinent que le HRI 1 pour que cette réduction de l'utilisation des pesticides se traduise par une réduction réelle d'exposition de la population aux effets nocifs des pesticides.