Un essai clinique est conçu pour répondre à une question principale. Et toute la méthodologie de l'essai est généralement élaborée dans cet objectif, notamment le choix du critère principal d'évaluation, le nombre de patients à inclure et l'analyse statistique des données. L'ajout d'autres critères d'évaluation dans le protocole démultiplie les comparaisons et les tests statistiques et augmente la probabilité d'observer des différences "statistiquement significatives" par le seul fait du hasard. En fait, en l'absence de différence statistiquement significative sur le critère principal, les analyses sur les autres critères d'évaluation servent surtout à formuler des hypothèses, plus qu'à démontrer des faits.
Dans l'essai versus placebo qui a évalué le tériflunomide (Aubagio°) chez les enfants et adolescents atteints d'une sclérose en plaques, il n'a pas été observé de différence statistiquement significative entre les groupes sur le critère principal d'évaluation d'une éventuelle efficacité (lire aussi "tériflunomide (Aubagio°) et sclérose en plaques à partir de l'âge de 10 ans"). Mais l'Agence européenne du médicament a donné un avis favorable à une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette tranche d'âge en prenant en compte les résultats sur un autre critère, avec un niveau de preuves hasardeux, et en mettant en avant les données d'efficacité du tériflunomide chez les adultes.
Changer les règles du jeu quand le résultat est décevant avec celles fixées est une tactique gagnante pour certains : pour la firme qui obtient ce qu'elle a demandé, et pour l'Agence qui évite de jouer le rôle ingrat de "gendarme du médicament" en s'opposant à une AMM.
En pratique, ce sont des patients qui risquent d'être les perdants de cette tactique, vu que ce médicament expose à des effets indésirables parfois graves.
