Commission européenne : la Médiatrice épingle un manque de transparence

La transparence des institutions et agences européennes est un droit fondamental dans l'Union européenne. Un règlement européen définit leurs obligations en cas de demande d'accès aux documents qu'elles détiennent (1). En cas de refus, le demandeur peut adresser une nouvelle demande dite confirmative, qui doit être traitée dans un délai maximum de 30 jours. Si le refus est réitéré, le demandeur peut alors porter plainte auprès de la Médiatrice de l'Union européenne. Face aux nombreuses plaintes contre la Commission européenne, la Médiatrice a enquêté (2).

Commission européenne : délais de réponse excessifs

L'enquête révèle que le traitement de 85 % des demandes confirmatives (355 en 2021) a dépassé le délai légal de 30 jours. Certains délais ont atteint plusieurs mois, et jusqu'à 2 ans pour la demande d'un journaliste portant sur une commande de 1,5 million de masques non conformes passée par la Commission au début de la pandémie de covid-19 (2).

Pour sa défense, la Commission s'abrite derrière les délais nécessaires pour clarifier la demande, identifier les documents, en occulter certains passages, et consulter une tierce partie que la divulgation peut gêner (telle qu'une firme) (2). L'enquête de la Médiatrice apporte un autre éclairage. Les demandes confirmatives étaient souvent liées à un sujet d'importance publique. La consultation des tierces parties concernées par la divulgation des documents débute souvent hors délai. La Commission échange avec ces parties dans le but de réduire le risque de contentieux, mais s'aligne le plus souvent sur leur position. La Médiatrice considère que tous les dossiers ne nécessitent pas une telle prudence (2).

EMA : une opacité revendiquée

Les résultats de cette enquête recoupent notre bilan, sur une période de 20 ans, concernant les demandes de documents adressées par Prescrire à l'Agence européenne du médicament (EMA) : délais de réponse excessifs, procédure de l'EMA empêchant de porter plainte, stratégie d'évitement des contentieux avec les firmes concernées par la divulgation, etc. (1).

Dans ses recommandations à la Commission, la Médiatrice rappelle les obligations qui s'appliquent aux administrations telles que l'EMA : l'accès aux documents administratifs est un droit qui doit permettre aux citoyens de participer aux processus décisionnels de l'Union européenne. Les retards d'accès aux documents équivalent à un refus et privent les citoyens d'une capacité à agir au moment opportun (2).

L'EMA reconnaît que le respect des délais de réponses imposés dans l'Union européenne ne fait pas partie de ses priorités (3). La transparence sur les données d'évaluation est primordiale pour les patients et les soignants. Il serait utile que la Médiatrice programme une enquête approfondie sur le manque de transparence de l'EMA et en soumette la question aux parlementaires européens, comme elle l'a fait en septembre 2023 pour la Commission (2).

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Agence européenne du médicament : une politique de transparence gâchée par trop de dysfonctionnements" Rev Prescrire 2022 ; 42 (460) : 136-146.

2- Médiatrice de l'Union européenne "Recommandation sur le délai nécessaire à la Commission européenne pour traiter les demandes d'accès public aux (…)" 24 mars 2023 + 21 septembre 2023 : 24 pages.

3- EMA "European Medicines Agency Final programming document 2023-2025" 2023 : 178 pages.