Médicaments en Questions : une démarche d'amélioration qui s'est confirmée en 2016Des soignants s'expriment sur leurs progrès : extraits

Résumé

Depuis 2014, Prescrire propose aux abonnés le programme d'Amélioration des pratiques professionnelles Médicaments en Questions. Son objectif est d'aider les soignants à prendre davantage en compte dans leur pratique les effets indésirables des traitements médicamenteux, à mieux y faire face, et à les réduire.

Les informations issues de la session 2015-2016 confirment celles, encourageantes, de la première session : effets indésirables davantage pris en compte, moins de patients exposés à des médicaments plus dangereux qu'utiles, échanges plus faciles avec les patients sur les effets indésirables, davantage de notifications au système public de pharmacovigilance.

Depuis l'automne 2014, Prescrire propose aux abonnés le programme d'Amélioration des pratiques professionnelles Médicaments en Questions. Ce programme en ligne vise à aider les soignants à prendre davantage en compte dans leur pratique quotidienne les effets indésirables des médicaments et à mieux y faire face, dans le but de les réduire. Médicaments en Questions est un programme de formation continue, organisé en sessions annuelles, de novembre à octobre (a). Un descriptif détaillé a été publié dans le numéro 393 (1).

En 2015-2016, 186 soignants (médecins en majorité, pharmaciens et infirmiers) ont effectué l'ensemble des activités du programme et sont ainsi devenus Lauréats de la 2e session de Médicaments en Questions (sur 285 participants) (2). L'analyse des pratiques des participants et les contributions aux discussions de l'Atelier-forum en ligne apportent des informations sur l'évolution des pratiques au cours de la session.

Des améliorations concrètes des pratiques

En un an, les participants ont renseigné un total de 890 formulaires d'analyse de la pratique correspondant à deux types de situations : face à un patient ayant un trouble susceptible d'être lié à un médicament ; et face à un patient exposé à un des médicaments que Prescrire conseille d'écarter des soins, car ce sont des "médicaments plus dangereux qu'utiles". Les participants ont ouvert environ 120 discussions dans l'Atelier-forum en ligne (b).

Effets indésirables davantage pris en compte

Au total, les participants ont signalé au programme 483 effets indésirables.

Dans 253 cas, le médicament suspecté d'être à l'origine du trouble observé a été arrêté : dans 114 cas, le soignant l'a remplacé par un autre médicament, et dans 139 cas, il l'a remplacé par un médicament de référence pour la situation. Autant de changements bénéfiques dans le traitement des patients.

Limiter le recours aux médicaments

Dans l'Atelier, des participants ont formulé des propositions concrètes pour réduire le risque d'effets indésirables. Par exemple, de nombreux échanges ont évoqué l'intérêt de limiter quand c'est possible le recours aux médicaments, de mettre de côté le superflu médicamenteux en déterminant un groupe de médicaments à la balance bénéfices-risques éprouvée. L'utilité de divers moyens non médicamenteux a été rappelée, par exemple : régime méditerranéen et activité physique régulière en prévention de risques cardiovasculaires ; sérum physiologique et confiseries au miel dans des affections rhinopharyngées bénignes, etc.

Moins de patients exposés à des médicaments plus dangereux qu'utiles

Les participants ont évité à 333 patients d'être exposés à un ou plusieurs médicaments plus dangereux qu'utiles, nettement plus qu'au cours de la session précédente (199 patients). Les médicaments les plus souvent signalés ont été l'olmésartan (Alteis°, Olmetec°), la pseudoéphédrine (en association) et l'escitalopram (Seroplex° ou autre).

Dans 87 cas, le médicament plus dangereux qu'utile a été écarté et n'a pas été remplacé par un autre car, à la réflexion, il n'y avait pas (ou plus) besoin de médicament dans cette situation. Dans 176 cas, il a été remplacé par un médicament de référence dans cette situation.

Prendre le temps d'échanger avec le patient

Dans l'Atelier, les participants ont souligné l'importance de prendre le temps d'échanger avec le patient afin d'écarter un médicament plus dangereux qu'utile, en lui donnant des éléments de réflexion avec des mots simples et de façon équilibrée, pour lui permettre une décision éclairée.

Certains participants médecins ont suggéré d'y consacrer une consultation, afin d'avoir le temps de rassembler de la documentation utile aux échanges avec le patient.

En général, les participants ont estimé avoir abordé facilement le sujet avec le patient, suite à la survenue d'un effet indésirable ou pour évoquer les dangers d'un médicament plus dangereux qu'utile. Mais des participants pharmaciens ont jugé parfois difficile d'aller à l'encontre de la prescription d'un médicament plus dangereux qu'utile. Une piste suggérée a été de demander au patient s'il avait été impliqué dans le choix d'un nouveau médicament, si des alternatives lui avaient été proposées, et s'il avait été informé des éventuels effets indésirables à surveiller.

Notifications au système public de pharmacovigilance encouragées

Notifier les effets indésirables des médicaments au système public de pharmacovigilance, c'est aussi contribuer à des soins plus sûrs et à une meilleure connaissance collective des effets des médicaments. Les participants ont déclaré avoir notifié 304 effets indésirables au système public de pharmacovigilance. Les médicaments les plus concernés ont été l'oméprazole (Mopral° ou autre), le rivaroxaban (Xarelto°) et le tramadol (Topalgic° ou autre).

Dans l'Atelier, des participants ont souligné l'utilité des retours qu'ils ont reçus des Centres régionaux de pharmacovigilance suite à des notifications d'effets indésirables. Certains ont mis ces retours à disposition des autres participants au sein de l'Atelier.

Une démarche d'amélioration des pratiques confortée par les résultats

Avec les limites inhérentes aux données déclaratives, ces informations issues de la session 2015-2016 de Médicaments en Questions confortent celles de la session 2014-2015 et sont en faveur de l'efficacité d'une démarche active pour mieux prendre en compte, en pratique, les effets indésirables des médicaments.

Cette démarche active s'inscrit sur le long terme et s'intègre pleinement à la pratique quotidienne. Les soignants inscrits à la session 2015-2016 de Médicaments en Questions l'ont bien compris : près de 80 % d'entre eux participent actuellement à la session 2016-2017.

©Prescrire

Notes

a- Pour en savoir plus, consulter le site formations.prescrire.org.

b- Chaque mois, depuis février 2015, la rubrique "Échos" (lire aussi "Échos de Médicaments en Questions") relate certains échanges particulièrement intéressants au sein de l'Atelier-forum des programmes d'Améliorations des pratiques professionnelles (Médicaments en Questions et Question de pratiques).

En fin de session, les participants sont invités à répondre à une enquête d'évaluation. En 2016, 126 des 285 participants ont répondu à cette enquête (1). Certains ont rédigé des commentaires libres. Voici quelques extraits :

  • « Je ne suis peut-être pas meilleur mais je suis moins dangereux ! Plus sérieusement, je m'interroge plus systématiquement sur une possible cause iatrogène devant l'apparition de nouveaux troubles et je le déclare, ce que je ne faisais pas avant. » (médecin)

  • « Le programme m'a motivé à rechercher et déclarer les effets indésirables des médicaments. Je le faisais déjà avant, mais ça m'a aidé à persévérer. » (pharmacien)

  • « Acquisition progressive du réflexe de s'enquérir d'éventuels effets indésirables avant tout renouvellement de traitement. » (médecin)

  • « J'écarte de mes conseils pharmaceutiques certains médicaments dont la balance bénéfices risques est défavorable. » (pharmacien)

  • « J'ai identifié dans mon stock tous les médicaments à balance bénéfices-risques défavorable. Chaque fois que j'en délivre un, je questionne le patient pour savoir s'il a des effets indésirables. » (pharmacien)

  • « Grâce à l'Atelier forum et à ses nombreuses pistes de réflexion, j'ai intégré de manière plus systématique un questionnement du patient signalant des symptômes, incité des patients à le signaler aux médecins qui les suivaient(…). » (pharmacien)

  • « Je téléphonais souvent au médecin traitant ou au spécialiste, notamment le cardiologue, et je le fais plus sereinement grâce à cette formation… » (pharmacien)

  • « L'engagement dans le programme m'a remobilisée et remotivée sur mon cœur de métier de pharmacien hospitalier, l'analyse pharmaceutique des prescriptions, pas toujours facile à assumer de manière satisfaisante faute de temps. » (pharmacien)

  • « Vigilance vis-à-vis des médicaments et beaucoup de modifications de prescriptions et de déprescriptions. » (médecin)

  • « En remettant l'accent sur les médicaments à écarter, en consultant l'expérience partagée dans l'Atelier par d'autres participants, qui amène à réfléchir sur sa pratique et à transposer certains cas rapportés à des situations rencontrées régulièrement… » (pharmacien)

  • « En ayant à l'esprit dans la pratique quotidienne que tout médicament peut être nocif (…). » (pharmacien)

©Prescrire

bibliographie

1- Prescrire Rédaction "Médicaments en Questions - Résultats de l'enquête d'évaluation session 2015-2016" janvier 2017. Site internet formations.prescrire.org consulté le 26 avril 2017 : 1 page.

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Programme Prescrire Médicaments en Questions : premiers résultats" Rev Prescrire 2016 ; 36 (393) : 541-543.

2- "Les Lauréats du programme Médicaments en Questions". Site www.prescrire.org/Fr/165/710/PositionsList.aspx.