Qualité dans les Ehpad : les résidents devront encore attendre

En France, la qualité de l'accueil et des soins dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) a été fortement critiquée depuis une dizaine d'années, preuves à l'appui. Et les principales causes et mécanismes ont été analysés (1,2).

Un personnel attentionné, mais débordé

Des membres de l'association Old'Up, « plus si jeunes, mais pas si vieux », qui se sentent concernés par la qualité de vie dans les Ehpad, ont voulu observer sur place ce qu'il en était, au-delà des rumeurs et des présentations qui montrent « sous leur plus mauvais jour ces établissements ». Ils ont séjourné pendant 24 heures dans des Ehpad « de bonne réputation », ce qui leur a permis de rencontrer un personnel attentionné et de décrire de belles initiatives, créatives et respectueuses. Celles-ci sont toutefois souvent isolées. Même dans ces établissements sélectionnés, la relation avec les résidents ne fait pas l'objet d'une attention suffisante, notamment en ce qui concerne leur intégration au sein de l'Ehpad au moment de leur arrivée (3).

Un ancien directeur d'Ehpad et président de l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) l'exprime de manière plus directe : « Les bénévoles d'Old'up ont vécu (…) en établissement au cœur de la machine âgiste qui ne respecte pas les plus âgés dès lors qu'ils ont des fragilités physiques ou psychiques, ne leur donne pas les moyens de vivre accompagnés comme ils le devraient et méprise à ce point leur existence qu'elle réduit leurs besoins à de simples besoins physiques (…). Les personnels sont tout autant maltraités par cette logique infernale : (…) ils voient bien au quotidien combien l'ignorance de la société, qui entraîne sa pingrerie et réduit inexorablement les moyens des établissements et services à domicile, n'a aucun sens et conduit à une véritable maltraitance sociétale » (3).

Une mise en œuvre poussive des évaluations

La Haute autorité de santé (HAS) française a établi en 2022 un nouveau référentiel d'évaluation de la qualité des prestations et services des établissements et services sociaux et médicosociaux, dont font partie les 7 400 Ehpad sur le territoire national. L'objectif est d'encourager dans ces établissements une démarche d'amélioration continue de la qualité (4).

La HAS a publié un premier bilan après 18 mois d'évaluations basées sur son nouveau référentiel. Sa portée est limitée par plusieurs faiblesses. Parmi les 117 organismes évaluateurs autorisés, dont le choix est laissé à chaque établissement évalué, 10 seulement avaient été accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac). Seuls 30 rapports de ces organismes ont été contrôlés par la HAS en 2023, sur un total d'environ 3 000 évaluations réalisées, dont 830 dans des Ehpad. Dans les deux tiers des établissements de plus de 100 places, seul le nombre minimum de 3 résidents "accompagnés traceurs" ont été interrogés, déplore la HAS, ce qui va l'amener à ajuster son référentiel (5).

Lenteur, manque de moyens : la situation des Ehpad début 2025 montre qu'une fois encore, l'envie d'agir déclenchée par des lanceurs d'alerte ne sera fructueuse que si elle est soutenue dans le temps.

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Ehpad : le sous-effectif soignant largement décrit avant la publication du livre "Les fossoyeurs"" Rev Prescrire 2022 ; 42 (468) : 774-778.

2- Castanet V "Les fossoyeurs" Fayard, Paris 2022 : 400 pages. Présenté dans : Rev Prescrire 2022 ; 42 (466) : 628.

3- Fuchs MF et coll. "Mort ou vif en Ehpad. Old'Up en immersion" Érès, Toulouse 2024 : 208 pages.

4- Prescrire Rédaction "Établissements et services sociaux et médico-sociaux : un nouveau dispositif d'évaluation de la qualité" Rev Prescrire 2023 ; 43 (473) : 222-225.

5- Haute autorité de santé "Dispositif d'évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Bilan annuel 2023" 26 mars 2024 : 60 pages.