Le Palmarès 2019 du conditionnement

Quand Prescrire évalue la balance bénéfices-risques d'un médicament, le conditionnement est un des éléments examinés. L'examen du conditionnement vise à répondre aux questions suivantes : assure-t-il une utilisation précise, pratique, du médicament et la sécurité du patient et de son entourage ? Au contraire, certains éléments qui le composent, ou leur absence, sont-ils source de dangers ?

L'examen du conditionnement tient compte de nombreux paramètres : situation clinique ; patients concernés, en particulier femmes enceintes, enfants, personnes âgées ; entourage ou aidants impliqués dans la préparation ; cadre de soins (urgence, hôpital, en ambulatoire dans le cadre d'une prescription, d'un conseil pharmaceutique, d'un achat par le patient via internet) ; avec ou sans l'intervention d'un infirmier ; etc.

Tous les aspects du conditionnement sont examinés sous l'angle de leur qualité et de la sécurité des utilisateurs. Sont examinés notamment : la lisibilité des dénominations communes internationales (DCI), la différenciation des dosages au sein d'une gamme ; la clarté des informations présentées sous forme de schémas, plans de prise, pictogrammes ; les dispositifs pour préparer, mesurer et administrer les doses ; le risque pour un enfant d'ingérer le médicament à l'insu de son entourage ; l'intérêt informatif et pédagogique des notices quant aux étapes d'utilisation, aux effets indésirables, aux situations et groupes de patients à risque.

Ce Palmarès du conditionnement porte sur les conditionnements de médicaments examinés par Prescrire au cours de l'année 2019.

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PALME 2019 DU CONDITIONNEMENT

Isentress° granulés pour suspension buvable (raltégravir) MSD (n° 431)

En raison de la présence, en plus de la notice, d'un "livret d'instructions d'utilisation" informatif et pédagogique dans la boîte de la présentation pédiatrique de ce médicament antirétroviral devenu autorisé chez les nouveau-nés. Ce livret fournit quantité d'informations utiles à la prévention d'erreurs et de dangers auxquels la préparation extemporanée de ce médicament expose, avec notamment un descriptif précis des éléments nécessaires à la préparation (tous fournis dans la boîte), ainsi que les différentes étapes de préparation. Divers procédés sont illustrés pour : lire sans erreur les graduations sur la seringue ; administrer la préparation ; nettoyer les différents éléments après usage ; etc.

Par rapport aux formes buvables prêtes à l'emploi, les formes poudre à reconstituer ont l'avantage de comporter moins d'excipients, dont certains exposent les enfants à des effets indésirables graves tels que le propylène glycol, l'éthanol et l'huile de ricin. Mais la préparation de ces médicaments non solubilisés par avance est souvent complexe et les notices qui les accompagnent sont souvent insuffisantes. Ce livret est un exemple de ce qui devrait être généralisé, du fait des efforts notables de pédagogie dans sa conception.

 CARTONS ROUGES DU CONDITIONNEMENT

Conditionnements pour les enfants : des économies dangereuses

Firazyr° solution injectable par voie sous-cutanée (icatibant) Shire (n° 423)

Pour l'absence de présentation pédiatrique de ce médicament, d'abord autorisé chez les adultes atteints d'une maladie génétique rare, avant de l'être chez de très jeunes enfants. Chez les adultes, la dose administrée à chaque injection est la même pour tous les patients, ce qui justifie que la seringue fournie ne soit pas graduée. Cette seringue n'a pas été adaptée aux enfants, pour lesquels la dose est à ajuster selon le poids. Firme et agences ont fait le choix d'une boîte séparée à fournir aux parents, contenant une seringue graduée et un dispositif permettant de relier les deux seringues pour transférer le contenu de celle non graduée dans celle qui est graduée. Ce système est inutilement compliqué et source d'erreur.

Inovelon° suspension buvable (rufinamide) Eisai (n° 429)

Pour n'avoir pas fait évoluer le dispositif doseur fourni dans la boîte après que l'autorisation de ce médicament a été élargie à des nourrissons. Les doses nécessaires de cet antiépileptique sont plus faibles pour les nourrissons que pour les adultes et les enfants âgés d'au moins 4 ans. La capacité disproportionnée de la seringue (20 ml), inchangée, par rapport aux doses à mesurer pour les nourrissons (par exemple 1,25 ml pour un nourrisson pesant 10 kg) les expose à des surdoses.

Phosphoneuros° solution buvable (phosphore) Bouchara Recordati (n° 428)

En raison de l'évolution insuffisante de ce conditionnement, source de surdoses mortelles. Le plus petit volume mesurable par le dispositif doseur est de 5 gouttes, ce qui n'est pas adapté pour mesurer avec précision des volumes plus faibles pour les enfants de moins de 5 kg. La notice n'informe pas de cette limite et ne fournit aucun conseil à ce sujet. Elle ne fournit pas non plus de tableau d'équivalence entre mg de phosphore prescrits et gouttes à mesurer. Les modalités de préparation et d'administration ne sont pas détaillées, ni illustrées.

Rotarix° suspension buvable (vaccin rotavirus) GlaxoSmithKline (n° 432)

En raison d'une grande ressemblance du dispositif d'administration de ce vaccin oral avec une seringue de médicament injectable, source d'erreurs avérées de voie d'administration. Rotarix° est pourtant autorisé dans l'Union européenne sous une autre présentation qui n'a pas l'aspect d'une seringue, mais qui n'est pas commercialisée en France.

Siklos° comprimés sécables à 100 mg et à 1 000 mg (hydroxycarbamide) Addmedica (n° 431)

En raison de l'absence d'amélioration de la différenciation entre les étiquetages des deux dosages de ce médicament cytotoxique, alors qu'un risque de confusion est prévisible. Des erreurs, survenues lors de la dispensation et de l'administration, ont conduit à des surdoses chez des enfants, avec des atteintes hématologiques graves. La présentation en flacon-vrac est dangereuse pour un cytotoxique. Elle soumet les personnes qui préparent le médicament à un risque plus grand d'exposition à cette substance. En outre, elle nécessite un reconditionnement à l'hôpital, qui est une autre source d'erreur entre les deux dosages.

Pas assez de sécurité face au risque d'ingestion par un enfant

Alfa-Amylase Biogaran Conseil° (a) Biogaran et Maxilase maux de gorge° (a) Sanofi Aventis sirops (alpha-amylase) (n° 426) ; Clarix toux sèche adultes° (a), Clarix toux sèche enfants° Cooper et Vicks sirop pectoral° (a) Procter & Gamble pharmaceuticals sirops (pentoxyvérine) (n° 426) ; Dolko° (b) solution buvable (paracétamol) Thérabel Lucien pharma (n° 434) ; Nausicalm° sirop (diménhydrinate) Nogues (n° 423) (c) ; Phénergan° (d) sirop (prométhazine) DB Pharma (n° 424) ; Phosphoneuros° solution buvable (phosphore) Bouchara Recordati (n° 428) ; Potassium Liberty Pharma° (e) sirop (potassium) H2 Pharma (n° 426).

En raison de l'absence de bouchon-sécurité sur les flacons de ces 10 spécialités, alors que les flacons de nombreux autres produits en sont équipés. Les bouchons de ces 10 spécialités ne protègent pas suffisamment un enfant. Ils lui donnent un accès facile au contenu du flacon, et l'exposent alors aux effets indésirables des substances qu'ils contiennent.

Gammes ombrelles mettant trop en retrait DCI et dosages

Actifed LP rhinite allergique° (d) comprimés (cétirizine + pseudoéphédrine), Actifed Rhume° comprimés (paracétamol + pseudoéphédrine + triprolidine), Actifed rhume jour et nuit° comprimés (paracétamol + pseudoéphédrine ou paracétamol + diphénhydramine) Johnson & Johnson santé beauté ; Dolirhume° comprimés (paracétamol + pseudoéphédrine), Dolirhumepro° comprimés (paracétamol + pseudoéphédrine ou paracétamol + doxylamine) Sanofi Aventis ; Humex rhume° comprimés et gélules (paracétamol + pseudoéphédrine ou paracétamol + chlorphénamine) Urgo Healthcare ; Nurofen rhume°, Rhinureflex° comprimés (ibuprofène + pseudoéphédrine) Reckitt Benckiser Healthcare ; Rhinadvil rhume° comprimés, Rhinadvilcaps rhume° capsules molles (ibuprofène + pseudoéphédrine) Pfizer santé familiale ; Rhumagrip° comprimés (paracétamol + pseudoéphédrine) Cooper (n° 424).

En raison de la minimisation des mentions en dénomination commune internationale (DCI) et des dosages sur le conditionnement de ces spécialités. Cette minimisation n'aide pas à repérer facilement la présence de pseudoéphédrine, un vasoconstricteur sympathomimétique qui expose à des accidents cardiovasculaires et à des colites ischémiques. Elle n'aide pas non plus à repérer la présence et la quantité de paracétamol, dont une surdose expose à une atteinte hépatique. Excepté Rhumagrip°, ces spécialités appartiennent à des gammes ombrelles, dont le principe commercial est de vendre, sous une marque commune, diverses spécialités contenant des substances actives différentes.

L'arrêt des gammes ombrelles est recommandé par l'Agence française du médicament (ANSM) en raison des risques de confusion et des dangers qu'elles font courir aux patients.

Psychotrope buvable à risque d'erreur de dose

Deroxat° suspension buvable (paroxétine) GlaxoSmithKline (n° 423).

En raison du risque de confusion auquel expose la double graduation en milligrammes et millilitres du gobelet de cet antidépresseur, source avérée d'erreurs de doses. Et parce que les gobelets sont en pratique des dispositifs doseurs imprécis.

Des notices qui font sous-estimer les risques

Ellaone° comprimé (ulipristal) HRA Pharma (n° 432).

En raison de l'information insuffisante de la notice sur le risque de diminution d'efficacité de l'ulipristal quand une contraception hormonale est utilisée dans les 5 jours suivant la prise d'ulipristal. En effet, des données montrent depuis 2015 que si une contraception hormonale est administrée dans ce délai de 5 jours, la probabilité d'ovulation est augmentée, exposant à une grossesse non désirée.

Entalgine° gel cutané (diclofénac) Cooper (n° 434) ; Flurbiprofène Sandoz Conseil° (d) Sandoz, Strefen°, Strefen sans sucre° pastilles à sucer (flurbiprofène) Reckitt Benckiser Healthcare (n° 432) ; Rhinadvil rhume° comprimés (ibuprofène + pseudoéphédrine) Pfizer santé familiale (n° 424) ; Ipraféine° comprimés (ibuprofène + caféine) Sanofi Aventis (n° 426).

En raison de l'information insuffisante des notices sur les risques des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pendant la grossesse. Ces notices ne préviennent pas du risque accru d'avortement spontané et des doutes quant aux effets malformatifs durant le 1er trimestre, ni des risques rénaux ou d'hypertension artérielle pulmonaire parfois irréversibles chez les enfants à naître en cas d'exposition à un AINS au 2e trimestre de la grossesse. Elles signalent seulement une contre-indication à partir du 6e ou du 7e mois de la grossesse.

Les AINS sont à écarter pendant toute la grossesse faute de preuve qu'une limite au 6e mois de grossesse soit suffisante pour écarter les risques d'effet indésirable chez l'enfant à naître.

Notes

a- De plus, le conditionnement de ces médicaments buvables multidoses ne comporte pas de dispositif doseur.

b- De plus, l'affichage de la DCI paracétamol et de son dosage est minimaliste.

c- L'ajout d'un bouchon-sécurité a été autorisé en 2018. Sur le conditionnement acheté le 2 janvier 2020 auprès d'un grossiste, dont le lot se périme en novembre 2021, nous ne l'avons toujours pas constaté.

d- Spécialité qui n'est plus commercialisée par la firme. Nous maintenons la mention dans le cas où des stocks persisteraient dans certaines pharmacies.

e- Selon la firme que nous avons interrogée, une évolution est en cours pour la mise en place d'un bouchon-sécurité sur le flacon. Cette même firme commercialise un autre sirop multidoses de potassium (Potassium H2 Pharma°) dont le flacon a été muni courant 2019 d'un bouchon-sécurité et dont la boîte comporte désormais un dispositif doseur, un gobelet gradué à 5 ml et 15 ml.