Quand Prescrire évalue la balance bénéfices-risques d'un médicament, le conditionnement est un des éléments examinés. Assure-t-il la sécurité du patient et de son entourage en permettant une utilisation précise et pratique du médicament ? Au contraire, certains éléments qui le composent, ou leur absence, sont-ils sources de dangers ?
L'examen du conditionnement tient compte de nombreux paramètres : situation clinique ; patients concernés, en particulier femmes enceintes, enfants, personnes âgées ; entourage ou aidants impliqués dans la préparation ; contexte des soins (urgence, hôpital, en ambulatoire dans le cadre d'une prescription, d'un conseil pharmaceutique, d'un achat par le patient via internet) ; avec ou sans l'intervention d'un infirmier ; etc.
Tous les aspects du conditionnement sont examinés sous l'angle de leur qualité et de la sécurité des utilisateurs, notamment : la lisibilité des dénominations communes internationales (DCI), la différenciation des dosages au sein d'une gamme ; la clarté des informations présentées sous forme de schémas, plans de prise, pictogrammes ; les dispositifs pour préparer, mesurer et administrer les doses ; le risque pour un enfant d'ingérer le médicament à l'insu de son entourage ; l'intérêt informatif et pédagogique des notices quant aux étapes d'utilisation, aux effets indésirables, aux situations et groupes de patients à risque.
Ce Palmarès du conditionnement porte sur les conditionnements de médicaments examinés par Prescrire au cours de l'année 2020.
PALMES 2020 DU CONDITIONNEMENT
Maviret° comprimés (glécaprévir + pibrentasvir) Abbvie (n° 439)
En raison d'un conditionnement primaire en plaquettes contenant chacune la dose quotidienne de 3 comprimés et comportant la DCI et le dosage des deux antiviraux sur chaque alvéole. Et aussi en raison d'un conditionnement secondaire constitué notamment de 4 boîtes contenant chacune 7 plaquettes de 3 comprimés (soit une semaine de traitement), avec sur le rabat de la boîte un rappel de la posologie « prendre les 3 comprimés contenus dans 1 plaquette en une prise par jour avec de la nourriture » accompagné de la photo des 3 comprimés. Le rappel de la posologie est utile pour la prise correcte du médicament et renforce la qualité de ce conditionnement, dont les mentions bien visibles sur les boîtes et plaquettes contribuent à la bonne identification des substances et de leur dosage.
Tiapridal° solution buvable (tiapride) Sanofi Aventis (n° 442)
En raison de l'évolution favorable de ce conditionnement auquel ont été ajoutés un bouchon-sécurité et une seringue doseuse graduée en milligrammes de substance sur laquelle sont inscrites la DCI et la concentration de la solution. Auparavant, Tiapridal° comportait un compte-gouttes inséré dans le goulot du flacon, un dispositif qui exposait à des erreurs de comptage, en particulier pour les posologies élevées. Une seringue graduée en milligrammes de tiapride évite l'étape de calcul de conversion entre une posologie prescrite en milligrammes et une mesure de la dose en millilitres, source d'erreurs.
CARTONS ROUGES DU CONDITIONNEMENT
Cytotoxiques conditionnés en flacons-vrac
Imeth° comprimés à 10 mg Nordic Pharma et Méthotrexate Bellon° comprimés Sanofi Aventis (méthotrexate) (a) (n° 437) ; Rubraca° comprimés (rucaparib) Clovis Oncology (n° 443) ; Talzenna° gélules (talazoparib) Pfizer (n° 440)
Contrairement aux conditionnements de formes orales sèches en plaquettes unitaires prédécoupées, les flacons-vrac ne permettent pas l'identification de leur contenu une fois les comprimés ou gélules placés dans un pilulier.
Le méthotrexate, le rucaparib et le talazoparib sont des médicaments cytotoxiques. Les flacons-vrac exposent à une dissémination de leur contenu par maladresse, et donc au risque d'une prise accidentelle par une autre personne, en particulier un enfant. Même les flacons munis d'un bouchon-sécurité ne protègent pas contre ce danger parfois mortel.
Passage de plaquettes à un flacon-vrac : une régression
Lamictal° comprimés dispersibles ou à croquer à 5 mg (lamotrigine) GlaxoSmithKline (n° 445)
Du fait du passage d'un conditionnement en plaquettes non unitaires à un flacon-vrac. Le bouchon-sécurité ne suffit pas à limiter certains risques du flacon-vrac, notamment une dissémination des comprimés par maladresse avec risque de prise accidentelle par une autre personne, en particulier un enfant. Un conditionnement en plaquettes unitaires prédécoupées pour faciliter l'identification des comprimés, et recouvertes d'un film de sécurité difficilement ouvrable par un enfant, aurait été une meilleure option d'évolution.
Conditionnements exposant à des erreurs de doses
Haldol° solution buvable (halopéridol) Janssen-Cilag (n° 441)
En raison de la persistance sur le marché d'un flacon compte-gouttes qui n'est pas adapté aux doses supérieures à 2 mg (soit 20 gouttes), car il expose à des erreurs lors du comptage des gouttes pour les doses élevées (allant parfois jusqu'à 100 gouttes). Jusqu'à début 2020, une présentation d'halopéridol en solution buvable en flacon de 100 ml avec une seringue doseuse graduée en milligrammes adaptée à la mesure de doses supérieures à 2 mg était commercialisée. La disparition de cette présentation avec seringue doseuse au profit de celle en flacon compte-gouttes est une régression dangereuse.
Istendo° solution pour instillation endotrachéobronchique (acétylcystéine) Delbert (n° 442)
En raison de la présentation de ce médicament en ampoules de 5 ml alors que les doses préconisées sont de 1 ml à 2 ml, de l'absence de dispositif permettant de mesurer le volume à administrer et du peu d'explications pratiques dans la notice concernant la préparation de la dose à administrer.
Preminor° gélules (ramipril + amlodipine) Leurquin Mediolanum (n° 442) et Triplixam° comprimés (périndopril + indapamide + amlodipine) Servier (n° 444)
En raison de la forte ressemblance des boîtes et des conditionnements primaires (étiquettes des flacons, films des plaquettes), alors que ces médicaments, qui sont des associations à doses fixes, comportent plusieurs combinaisons de dosages, source d'erreurs de doses.
De plus, Triplixam° est présenté en flacon-vrac dépourvu de bouchon-sécurité, un conditionnement de piètre qualité, malgré le dispositif réducteur de débit qui limite modestement le risque de dissémination par maladresse, avec risque de prise accidentelle par une autre personne que le patient, en particulier par un enfant. La présentation en flacon-vrac ne permet pas l'identification du comprimé quand il est placé dans un pilulier.
Prexate° solution injectable en seringue préremplie (méthotrexate) Alfasigma (n° 438)
En raison de l'absence de mention du rythme d'administration hebdomadaire sur les boîtes de Prexate°, exposant les patients à des erreurs de rythme d'administration potentiellement mortelles. Fin 2019, la Commission européenne a entériné les recommandations du Comité européen de pharmacovigilance (PRAC) visant à limiter les erreurs avec le méthotrexate, avec en particulier l'ajout de la mention du rythme d'administration hebdomadaire sur les spécialités de méthotrexate injectable utilisé comme immunodépresseur.
Pas assez de sécurité face au risque d'ingestion par un enfant
Buprénorphine/Naloxone Arrow° Arrow Génériques et Buprénorphine/Naloxone Mylan° Mylan comprimés sublinguaux (buprénorphine + naloxone) (n° 435)
En raison de la présentation en plaquettes sans film de sécurité, contrairement à la spécialité princeps Suboxone°, ce qui expose les enfants au risque d'ingestion accidentelle de ces comprimés sublinguaux contenant de la buprénorphine et de la naloxone, des substances qui exposent à des effets indésirables graves. Il est regrettable que les copies ne soient pas autant sécurisées que la spécialité princeps.
Bonasol° solution buvable (acide alendronique) X.O ; Chlorhexidine arrow° Arrow génériques ; Chlorhexidine Biogaran° Biogaran ; Chlorhexidine Mylan° Mylan ; Paroex° Centre Spécialités Pharmaceutiques ; Prexidine° X.O solutions pour bain de bouche dosées à 0,12 % et Eludrilperio° Pierre Fabre médicament solution pour bain de bouche dosée à 0,20 % (chlorhexidine) ; Fluisédal° sirop (prométhazine + benzoate de méglumine + polysorbate 20) et Tussisédal° sirop (prométhazine + noscapine) Elerté (n° 438)
En raison de l'absence de bouchon-sécurité sur les flacons de ces 9 spécialités. Un bouchon simple ne protège pas suffisamment les enfants. Ceux-ci ont un accès facile au contenu du flacon et sont exposés aux effets indésirables des substances qu'ils contiennent.
Pour la spécialité Bonasol°, l'absence de mise en avant de la mention de prise hebdomadaire sur la boîte et le flacon expose à des erreurs de doses.
Par ailleurs, les spécialités Fluisédal° et Tussisédal° comportent plusieurs défauts sources de danger : minimisation de la DCI et des dosages sur la boîte et le flacon, cuillère-doseuse imprécise et absence de pictogramme grossesse sur la boîte malgré les risques liés notamment à la prométhazine.
Des notices qui font sous-estimer les risques
Prontadol° comprimés (paracétamol + caféine) Ipsen (n° 442)
Pour le manque d'information quant aux risques hépatiques liés à une surdose de paracétamol. Malgré la mention sur la boîte « surdosage = danger », les patients ne sont pas informés dans la notice de la nature du danger et des signes qui doivent faire penser à une intoxication au paracétamol.
Flector° comprimés non gastrorésistants (diclofénac) Genévrier (n° 438) et Nurofenplast° emplâtres (ibuprofène) Reckitt Benckiser Healthcare (n° 435)
En raison d'informations insuffisantes dans la notice de ces spécialités sur les dangers d'une exposition pendant la grossesse à un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). Pour Flector°, la notice n'exclut pas la prise pendant les 5 premiers mois de grossesse, ce qui est mis en avant par le texte du pictogramme : « Ne pas utiliser chez la femme enceinte à compter du 6e mois de grossesse ».
Pour Nurofenplast°, la notice n'avertit pas des risques liés à l'utilisation de ces emplâtres pendant les 6 premiers mois de grossesse, malgré un pictogramme sur la boîte qui à juste titre interdit l'utilisation du médicament pendant toute la durée de la grossesse.
Les AINS sont à écarter pendant toute la grossesse, faute de preuve qu'une contre-indication uniquement à partir du 6e mois de grossesse soit suffisante pour écarter les risques d'effets indésirables chez l'enfant à naître. La prise d'un AINS dans les premiers jours de la grossesse expose à des avortements spontanés.
Par ailleurs, la DCI de ces deux AINS est minimisée sur les conditionnements de ces spécialités, ce qui n'aide pas les patients à repérer la composition de ces médicaments, et donc à éviter qu'ils soient utilisés par des femmes enceintes ou qui pourraient l'être.