Protéger les patients

Prescrire publie pour la huitième fois son bilan des médicaments à écarter (lire aussi "Pour mieux soigner, des médicaments à écarter : bilan 2020"). Ce nouveau bilan montre que de nombreux médicaments restent autorisés durant des années malgré une balance bénéfices-risques défavorable. Et ce n'est que la pointe émergée de l'iceberg. Pour nombre de nouveaux médicaments qui ne figurent pas dans ce bilan, l'autorisation de mise sur le marché (AMM) reste peu justifiée du fait d'une évaluation initiale insuffisante.

Mais quand un médicament est autorisé par procédure européenne centralisée suite à l'avis favorable de l'Agence européenne du médicament (EMA), cette AMM s'impose aux États membres de l'Union européenne. Cette décision peut être remise en cause par une agence nationale du médicament. Mais les autorités européennes restent maîtresses du jeu et l'autorisation européenne s'impose à tous. Or, au niveau de l'EMA, les intérêts industriels sont souvent mieux défendus que les intérêts des patients.

Comment alors protéger les patients, et les ressources de la collectivité ? En France, la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé a comme levier d'action de déconseiller le remboursement par la Sécurité sociale de médicaments pourtant autorisés dans l'Union européenne. Elle joue un rôle important dans l'accès aux médicaments. Et elle sait parfois être obstinée. Ainsi, des avis défavorables répétés ont rappelé l'absence de preuve que les gliflozines (anti-SGLT2) réduisent les complications du diabète de type 2, alors que ces hypoglycémiants oraux exposent à des amputations, des acidocétoses, des fasciites nécrosantes du périnée (lire aussi "Empagliflozine (Jardiance°) : commercialisation peu probable en France").

Ce n'est pas le seul exemple. En 2019, la Commission de la transparence a émis huit avis de ce type. Les raisons étaient des risques trop peu évalués, une efficacité incertaine, ou une balance bénéfices-risques défavorable. Cette dernière raison a été invoquée en 2018 au sujet de Lartruvo° (olaratumab) dans des sarcomes de tissus mous. Un an plus tard, les autorités européennes ont retiré à juste titre l'AMM de ce médicament (lire aussi "Olaratumab : retrait d'une AMM octroyée à tort"). La réévaluation d'anciens médicaments a aussi conduit cette Commission à émettre quelques avis défavorables à des remboursements.

Saluons cette action protectrice de la Commission de la transparence en France. En soulignant qu'un retrait d'autorisation, voire un retrait du marché d'un médicament, protège mieux les patients au niveau national et européen que sa non-prise en charge dans un des États membres.

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