Responsabilité des firmes pour "produits défectueux"

Résumé

Réponse de Prescrire à une consultation publique sur la révision de la directive de 1985 : ce texte n'est pas adapté aux médicaments.

La Commission européenne a entamé des travaux préparatoires en vue de la révision de la directive de 1985 "en matière de responsabilité du fait des produits défectueux". Fin 2021, Prescrire a transmis ses commentaires à l'organisme chargé par la Commission de faire une analyse d'impact de cette révision.

Depuis de nombreuses années, aux côtés d'associations de patients et de victimes de médicaments, Prescrire a fait part de l'inadéquation de la directive de 1985 pour l'indemnisation des patients ayant subi des dommages déclenchés par des effets indésirables de médicaments.

L'inadéquation de la directive découle de plusieurs raisons :

  • la notion de défaut : tous les produits pharmaceutiques peuvent induire des effets indésirables sans lien avec un défaut du produit (au sens où le produit ne remplit pas le service attendu). Même pour les effets indésirables mentionnés dans la notice (et donc "attendus"), le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ne devrait pas être systématiquement exonéré de sa responsabilité ;

  • la charge de la preuve  : en raison de l'asymétrie d'information entre le patient et le titulaire de l'AMM, il est très difficile pour le patient de démontrer la défectuosité d'un produit de santé et/ou de démontrer le lien de causalité entre le produit et le dommage ;

  • les délais imposés par la directive ne sont pas adaptés aux médicaments : les effets indésirables peuvent apparaître longtemps après le traitement (par exemple, troubles neurodéveloppementaux chez les enfants nés de mères prenant de l'acide valproïque, cancer du vagin vingt ans après exposition in utero au diéthylstilbestrol) ;

  • "le risque de développement" : cette notion exonère les firmes d'une responsabilité pour des risques non connus à un moment donné, mais découverts avec le développement des connaissances. Des effets indésirables sont découverts au fur et à mesure de l'utilisation et de l'évaluation des médicaments ; ce n'est pas une raison pour que la firme soit totalement exonérée de sa responsabilité.

Prescrire demande l'exclusion des produits de santé du champ d'application de cette directive. Un cadre européen spécifique serait plus approprié, reflétant la situation particulière des produits de santé qui ne sont pas des biens de consommation ordinaires. La situation de vulnérabilité du patient doit lui permettre de bénéficier d'une protection et de règles de compensation spécifiques.

©Prescrire

Source

 "Prescrire contribution to the targeted consultation: Impact Assessment study on the possible revision of the Product Liability Directive 85/374/EEC conducted by the Centre for Strategy & Evaluation Services (CSES)" 23 septembre 2021 : 2 pages.