Pesticides : des coûts très sous-estimés

L'usage des pesticides est considéré par certains comme une nécessité, avec des bénéfices allégués en termes économiques et alimentaires. Mais les coûts réels des pesticides sont-ils bien connus et pris en compte dans les calculs et les réflexions sur leur intérêt global ?

Prendre en compte tous les coûts

Deux chercheurs de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) français ont évalué les divers coûts de l'utilisation des pesticides, à partir d'une synthèse de 61 études (1).

Ils ont différencié 4 types de coûts, d'ordres réglementaire (information, contrôles, décontamination, etc.), sanitaire (dépenses dues aux effets aigus et chroniques des pesticides sur les humains), environnemental (impact sur les animaux, les végétaux, les sols, etc.), et d'évitement (surcoût lié à l'achat de bouteilles d'eau non polluée, etc.).

Certains coûts sont dits internes, quand ils sont reportés sur le prix de vente, alors que d'autres sont dits externes car payés par des tiers, comme par exemple le traitement des maladies. Une partie des coûts sont "cachés", c'est-à-dire non connus, ou non pris en compte (1).

Des coûts sous-estimés

Selon l'évaluation par cette étude des coûts cachés et des coûts externes habituellement laissés de côté, leur prise en compte rendrait l'utilisation des pesticides très coûteuse. Par exemple, comptabiliser des effets de l'exposition chronique sur la santé aurait multiplié par 10 les coûts des pesticides aux États-Unis d'Amérique en 2005, c'est-à-dire de 1,5 à 15 milliards de dollars (1).

De nombreux coûts environnementaux n'ont pratiquement jamais été évalués. Une étude les a estimés à 8 milliards de dollars aux États-Unis en 1992 (1).

Les coûts d'ordre réglementaire annuels des pesticides atteignaient 4 milliards de dollars aux États-Unis dans les années 2000. Mais si l'ensemble des obligations réglementaires avaient été respectées, ils auraient atteint 22 milliards de dollars (1). Quant aux coûts d'évitement des pesticides, les auteurs les évaluent à 6,4 milliards de dollars au niveau mondial en 2012, uniquement pour le surcoût lié à l'achat d'aliments "bio".

Au total, les chercheurs estiment que si l'on prenait en compte les coûts cachés et les coûts externes des pesticides, on pourrait passer de bénéfices 5 fois plus élevés que les coûts, tels qu'avancé par certaines évaluations, à des coûts supérieurs aux bénéfices (1).

Une démarche éclairante

Cette étude attire l'attention sur des coûts que les auteurs de nombreuses analyses "économiques" négligent (2).

La prise en compte de ces coûts, notamment ceux pour la santé humaine et l'environnement, modifierait sans doute largement le rapport bénéfices-coûts de bien d'autres activités humaines (2). Y compris dans le domaine des soins, où par exemple le coût de la iatrogénie, peu évalué, reste externe, car pris en charge par la collectivité et non par les producteurs de soins ou de médicaments.

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Bourguet D et Guillemaud T "The hidden and external costs of pesticide use" Sust Agr Reviews 2016 ; 19 : 35-120.

2- Prescrire Rédaction "Alcool : un "coût" humain important" Rev Prescrire 2016 ; 36 (387) : 57.