Innovons

"Innover", "innovation", "innovant", des mots souvent galvaudés au point de perdre beaucoup de sens. Dans les faits, il s'agit au mieux de nouveautés, quand il ne s'agit pas tout simplement de nouveaux habillages de choses déjà connues. C'est le cas dans le domaine du médicament comme dans d'autres secteurs industriels et commerciaux.

Dans le domaine de la santé, plutôt qu'"innovation", passe-partout, remplaçons cette expression par celle de "progrès tangible pour les patients". C'est beaucoup plus concret, et moins trompeur. En effet, à quoi servent des nouveautés ou des inventions qui n'aident pas à mieux soigner ? À faire tourner la machine économique, certainement. Mais n'est-il pas possible de faire tourner cette machine avec un meilleur service pour les patients ?

Le système actuel d'incitation à la recherche et développement des médicaments n'invite pas à servir les patients. Il permet aux firmes de protéger leurs nouveautés par des brevets, et de fixer un prix élevé, déconnecté du service aux patients. Ce système montre aujourd'hui de très sérieuses limites. Les nouveautés, qualifiées d'innovations, sont de plus en plus inabordables, sans représenter le plus souvent de progrès tangible pour les patients, ou alors seulement pour quelques-uns d'entre eux.

Pour s'en tenir à la question du prix, les firmes semblent avoir réussi à faire croire que l'"innovation" serait par nature plus chère. Étrange conception de l'innovation, au service des firmes, plutôt qu'au service des patients et de l'intérêt général.

Le système actuel d'incitation à la recherche et développement de médicaments est remis en cause par de plus en plus d'institutions. Par exemple, pour l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce système n'est ni le seul ni le meilleur possible : « Le système d'innovation et des prix des produits pharmaceutiques a, dans le passé, livré de nombreux bénéfices de santé à la population. Cependant, il n'y a aucune raison de croire que cela va inévitablement se poursuivre dans l'avenir » (lire aussi "Recherche et développement de médicaments : changer de système").

Plusieurs institutions nationales et internationales proposent de corriger les défauts du système actuel, au minimum en trouvant une solution aux prix démesurés des nouveaux médicaments. Voire en réfléchissant à des systèmes alternatifs, afin de déconnecter le financement de la recherche de la vente des médicaments, pour rendre abordables les nouveaux médicaments utiles aux patients.

En somme, il s'agit de réfléchir, d'étudier, d'imaginer, de tester et d'appliquer de nouvelles méthodes. D'innover vraiment, en fait.

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