Études post-AMM : détournement à grande échelle

Depuis des années, les agences du médicament ont tendance à réduire l'évaluation clinique des médicaments avant autorisation de mise sur le marché (AMM), en affirmant que l'évaluation peut être complétée après AMM (1). L'expérience de l'Allemagne montre qu'il s'agit là d'une allégation trompeuse (2).

Rétention de dossiers

Les auteurs d'une enquête ont cherché à connaître le détail des études post-AMM demandées aux firmes par les pouvoirs publics allemands (deux caisses d'assurance maladie et l'Agence allemande du médicament). Ces études sont censées permettre d'identifier, en pratique quotidienne, les effets indésirables non détectés par les essais initiaux. Les auteurs de l'enquête n'ont pu avoir accès au descriptif des études post-AMM enregistrées en Allemagne entre janvier 2008 et décembre 2010 qu'après une action en justice (2).

Des études conçues pour ne rien trouver

Au cours des 3 années étudiées, 558 études post-AMM ont été enregistrées en Allemagne. Beaucoup de dossiers descriptifs de ces études étaient très vagues, 55 % des rapports comptant moins de 10 pages, et 72 % ne précisaient pas le protocole d'étude (2).

Le nombre de patients inclus dans ces études variait de 2 à 75 000 patients (médiane à 600). Le nombre de médecins impliqués dans ces études variait de 0 à 7 000 médecins (médiane à 63). Chaque médecin a suivi de 1 à 10 000 patients (médiane à 8). La durée des études variait de 24 à 7 549 jours (médiane à 480) (2).

Les auteurs de l'enquête n'ont retrouvé aucune notification d'effet indésirable en lien avec ces 558 études dans la base allemande de pharmacovigilance. Seulement 5 études ont donné lieu à une publication scientifique (2).

Pour les auteurs de l'enquête, le nombre souvent modeste de patients par médecin et par étude (sauf quelques exceptions), et surtout l'absence de notification d'effets indésirables, montrent que la plupart de ces études ne sont pas conçues pour faire avancer les connaissances. À quoi servent-elles alors ?

Une technique promotionnelle : planter des graines

Pour les auteurs, ces études sont pour beaucoup détournées de leur objectif et clairement destinées à convaincre un grand nombre de médecins de prescrire un nouveau médicament : ce sont des études dites d'ensemencement, car il s'agit de lancer des habitudes de prescription (2,3).

Pour ces 558 études, la moitié des médecins ont été rémunérés plus de 200 euros par patient, avec un maximum de 7 280 euros par patient. Pour 158 des 558 études, les médecins ont dû signer un contrat de confidentialité des données (2).

« Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras », Jean de La Fontaine le proclamait, les faits le confirment. Une évaluation sérieuse des médicaments avant de les autoriser, notamment pour chercher d'éventuels effets indésirables graves, vaut mieux que les autoriser, évalués à minima, avec le faux espoir de "bonnes études" marketing post-AMM.

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction ""AMM fractionnées" : projet dangereux de l'EMA" Rev Prescrire 2016 ; 36 (390) : 293-299.

2- Spelsberg A "Contribution of industry funded post-marketing studies : survey of notifications submitted to regulatory agencies" BMJ 2017 ; 356 : j337 : 8 pages.

3- Prescrire Rédaction ""Seeding trial" : un essai pour promouvoir les ventes" Rev Prescrire 2009 ; 29 (309) : 545.