Plusieurs mécanismes ont été mis en place au cours des années 2000 pour permettre une commercialisation plus rapide des médicaments dans l'Union européenne. C'est notamment le cas des autorisations de mise sur le marché (AMM) dites conditionnelles, AMM délivrées précocement avec demande d'un complément d'évaluation après l'AMM (1).
Peu de données avant l'AMM…
L'Agence européenne du médicament (EMA) a publié un rapport sur les dix premières années de sa pratique des AMM conditionnelles, de 2006 à 2016 (1). Pendant cette période, 30 médicaments ont fait l'objet d'AMM conditionnelles, surtout dans les domaines de la cancérologie et de l'infectiologie. Elles ont été octroyées sur la base des résultats de 58 essais cliniques au total (1).
Seuls 15 des 30 médicaments autorisés l'ont été sur la base des résultats d'au moins un essai clinique dit de phase III, avec parfois uniquement des résultats préliminaires. Plus de la moitié des 58 essais étaient des essais dits de phase I ou II, c'est-à-dire des essais exploratoires, qui servent le plus souvent à émettre des hypothèses à ensuite évaluer dans des essais de plus grande ampleur (1à3).
Seulement 34 essais étaient randomisés et comprenaient un comparateur ; 20 n'avaient pas de comparateur. Sur les 37 essais comparatifs (dont 3 non randomisés), 2 essais seulement comportaient un comparateur autre qu'un placebo ou une absence de traitement (1).
Ces limites méthodologiques ont-elles été compensées par les essais menés après l'AMM ?
… et guère plus après l'AMM
L'EMA a demandé aux firmes la réalisation de 77 essais cliniques en post-AMM pour compléter l'évaluation de ces 30 médicaments. 25 de ces essais ont été à nouveau de type exploratoire, et 28 étaient non comparatifs (1). Les chercheurs de l'Institut de recherche pharmacologique italien Mario Negri, très critiques sur ces AMM, déplorent que seulement 9 essais sur 77 comportaient comme critère d'évaluation la survie globale (4).
Sur les 30 AMM conditionnelles, 17 l'étaient encore en 2016, 11 ont été converties en AMM classique, après une durée médiane de 4 ans, et 2 ont été retirées à la demande de la firme (1).
L'EMA se félicite que l'AMM conditionnelle permette l'arrivée d'un médicament sur le marché environ 4 ans plus tôt par rapport à une AMM classique, les patients ayant ainsi accès plus tôt à des médicaments nouveaux (1). Mais accès à quel bénéfice thérapeutique ? À quels effets indésirables ? Des questions qui restent sans réponse si l'EMA n'est pas plus exigeante, avec le risque de laisser longtemps les patients exposés à des médicaments dont la balance bénéfices-risques n'est pas favorable.