Nouveaux médicaments des cancers : trop d'inconnues
On attend beaucoup des nouveaux médicaments des cancers qu'ils augmentent la durée et améliorent la qualité de vie des patients. Qu'en est-il en réalité ?
Allongement de la durée de vie : souvent pas de preuve
En Europe, une étude avait montré que pendant la période 2009-2013, sur les 68 indications de 48 médicaments dans des cancers autorisées sur avis de l'Agence européenne du médicament (EMA), 44 l'avaient été sans preuve d'allongement de la durée de vie. Environ 3 ans après commercialisation, il n'y avait toujours pas de preuve d'une amélioration, ni de la durée ni de la qualité de vie pour 42 indications (1).
Une nouvelle étude, à laquelle ont collaboré diverses autorités de santé autrichiennes, a prolongé l'analyse sur les 102 médicaments antitumoraux mis sur le marché européen de janvier 2009 à mai 2015 (2). Pour 38 médicaments, il n'y avait aucune information sur la durée de vie au moment de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), et pour 5 médicaments, il y avait même une réduction de cette durée. Trois ans au moins après leur AMM, 27 nouveaux essais étaient disponibles sur ces 38 médicaments : un allongement de la durée de vie était observé pour 14 médicaments seulement (2).
Un phénomène mondial
Cette étude vient en confirmer de nombreuses autres (3). Aux États-Unis d'Amérique, une étude a porté sur les 54 médicaments antitumoraux autorisés par l'Agence étatsunienne du médicament (FDA) de 2008 à 2012 (4). 36 sur 54 ont été autorisés sans preuve d'allongement de la durée de vie, dont la totalité des 15 médicaments autorisés selon une procédure accélérée d'AMM. Après une durée de suivi d'environ 4 ans, pour 5 médicaments seulement sur 36, un essai a montré une augmentation de la durée de vie. Les essais ne montraient pas d'augmentation pour 18 médicaments, et pour 13 médicaments on ne savait toujours pas ce qu'il en était concernant la durée de vie des patients (4).
Refuser l'accès au marché aux médicaments sans preuve d'efficacité
Les auteurs de l'équipe autrichienne estiment que les médicaments antitumoraux dont il n'est pas démontré qu'ils allongent la durée de vie plusieurs années après leur mise sur le marché devraient en être retirés (2). Ont-ils été entendus ? En avril 2019, l'EMA a retiré l'olaratumab (Lartruvo°, non commercialisé en France), officiellement pour ce motif (5). Puisque ce médicament a été retiré pour inefficacité, alors il devrait être le premier d'une longue série ! L'EMA doit être encouragée dans cette voie, protectrice de la santé des personnes et des budgets de santé. Mais elle a surtout à exiger une évaluation plus solide des médicaments avant leur autorisation : elle éviterait ainsi d'exposer des patients aux effets indésirables de médicaments sans intérêt, et de dilapider les ressources collectives par des dépenses injustifiées.