Influence des avantages acceptés par les médecins en France

De nombreuses études ont montré dans divers pays l'influence des avantages offerts aux médecins sur leurs prescriptions (1,2). Ces études ont montré que l'influence des avantages est souvent inconsciente et qu'il ne suffit pas d'être lucide pour y échapper. Et elles confirment ce que savent depuis longtemps les "commerciaux" : les "petits" cadeaux sont particulièrement efficaces, surtout quand il s'agit de repas (1,2).

Les médecins français échappent-ils à cette influence ?

Lien nuisible entre les avantages et les prescriptions. 

Une équipe de Rennes a cherché à mesurer l'influence des avantages sur les prescriptions des médecins généralistes libéraux (3). Pour cela, les auteurs ont croisé deux types de données pour l'année 2016 : les avantages reçus par les médecins, tels que recensés sur transparence.sante.gouv.fr ; les données de l'Assurance maladie relatives d'une part au respect par les médecins des objectifs dans le cadre de la politique d'incitation par la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), et d'autre part au montant des médicaments prescrits (3).

Les résultats sont clairs : il existe un lien nuisible entre les avantages reçus par les médecins et la qualité et le montant de leurs prescriptions. Par exemple, par rapport aux médecins qui n'ont pas reçu d'avantage entre 2013 et 2016, ceux qui en ont reçu en 2016 ont prescrit en moyenne moins de génériques de statines, d'hypotenseurs et d'antibiotiques ; ceux qui ont reçu plus de 240 € d'avantages cumulés en 2016 ont prescrit en moyenne plus de benzodiazépines pendant plus de 12 semaines, et plus de vasodilatateurs (3).

Comme le soulignent les auteurs du compte rendu de l'étude, le lien entre avantages et prescription n'est pas une preuve de causalité. Mais ce lien témoigne pour le moins d'un comportement général de médecins qui acceptent des avantages et sont par ailleurs plus confiants dans l'argumentation des firmes et la "nouveauté" (3).

Déni persistant, mais aussi changements

Ces résultats obtenus par l'étude de plus de 41 000 médecins en France confirment d'autres études. Ils étaient prévisibles : sinon, pourquoi les firmes dépenseraient-elles autant d'argent en promotion ?

Certains médecins et le principal syndicat des firmes pharmaceutiques restent dans le déni et ont contesté cette étude. Mais d'autres au contraire l'ont saluée, dont le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), qui a réagi en estimant que « l'intérêt de l'indépendance des prescripteurs est à nouveau démontré ». Le CNGE a remis en cause à cette occasion « la survivance de la visite médicale » (4).

Les médecins sont influencés par le marketing en France comme partout ailleurs. La bonne nouvelle est qu'ils sont de plus en plus nombreux à en être conscients et que les comportements changent : un tiers des médecins généralistes n'ont pas reçu d'avantage en 2016 (3).

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Le repas : un cadeau particulièrement influent" Rev Prescrire 2018 ; 38 (416) : 456-462.

2- Prescrire Rédaction "Marketing et prescription d'opioïdes" Rev Prescrire 2019 ; 39 (430) : 625.

3- Goupil B et coll. "Association between gifts from pharmaceutical companies to french general practitioners and their drug prescribing patterns in 2016 : retrospective study using the french transparency in healthcare and national health data system databases" BMJ 2019 ; 367 : I6015 : 9 pages.

4- CNGE "Indépendance des médecins : un gage de qualité" Communiqué de presse du 14 novembre 2019 : 1 page.