Le système d'incitation à la recherche et développement de médicaments en œuvre au niveau mondial depuis la fin du 20e siècle montre de plus en plus de limites, avec des besoins importants non couverts, et la commercialisation de trop de médicaments à des prix parfois inabordables, malgré des progrès cliniques modestes voire nuls. Ces médicaments répondent davantage aux demandes de rentabilité d'un marché protégé par une politique de propriété industrielle, qu'aux besoins réels des diverses populations.
Ce système est de plus en plus critiqué. Des alternatives sont réfléchies et expérimentées. Ainsi pour la recherche d'un traitement de la trypanosomiase africaine (alias maladie du sommeil), qui sévit notamment en Afrique équatoriale, des acteurs ont élaboré des solutions pour répondre aux multiples difficultés rencontrées sur le terrain : zones d'habitation des patients dépourvues de structures sanitaires en capacité d'administrer des traitements lourds, populations peu solvables et sans assurance santé.
À la fin des années 1990, face au constat de millions de patients atteints de maladies tropicales dites négligées, Médecins sans Frontières a créé l'association à but non lucratif dénommée Initiative pour des médicaments contre les maladies négligées (DNDi, de son nom en anglais). Cette association, financée principalement par de l'argent public et des fondations privées, vise des actions de recherche à long terme, avec la mobilisation d'un réseau au Nord comme au Sud. En collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et des firmes pharmaceutiques, le traitement ancien très toxique de la trypanosomiase a ainsi pu être remplacé. Dans un premier temps, l'évaluation de l'association nifurtimox + éflornithine, administrée par voie intraveineuse, a montré une grande efficacité chez les patients gravement atteints. L'association DNDi a alors poursuivi son action, afin de trouver une alternative adaptée aux patients éloignés d'un centre de santé.
Avec l'Institut tropical et de santé publique suisse, l'association DNDi a repéré les potentialités du fexinidazole par voie orale (lire l'encadré "Développement du fexinidazole : fruit d'une collaboration exemplaire"). Elle a organisé son développement, en vue d'une mise à disposition à un prix abordable, en collaboration avec la firme Sanofi, acteur historique dans cette maladie.
Cette initiative, menée avec persévérance, a montré qu'il est possible de développer des médicaments qui répondent à de véritables besoins, avec comme but propre le progrès thérapeutique, et sans promesse de monopole ni de grands profits financiers.