En Afrique, début 2022, environ une personne sur 6 seulement était vaccinée contre le covid-19, soit 4 à 5 fois moins que sur les autres continents (1). C'est une motivation forte pour chercher à y produire un vaccin de qualité à prix abordable contre cette maladie.
Un projet international de transfert de technologie
En 2021, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en place un centre de transfert de technologie visant à diffuser la production de vaccins covid-19 à ARN messager dans les pays à bas ou moyens revenus (2). Implanté en Afrique du Sud, ce centre est soutenu par plusieurs organismes internationaux, des gouvernements notamment français, belge et allemand, et de nombreux chercheurs du monde entier (2à4).
Dans ce cadre, en janvier 2022, la compagnie de biotechnique sud-africaine Afrigen a réussi à produire en petite quantité une copie du vaccin covid-19 de la firme Moderna (élasoméran - Spikevax°) (1,3). Elle cherche depuis à développer et produire à grande échelle des formulations moins chères et plus thermostables que la formulation d'origine pour faciliter l'utilisation du vaccin en Afrique (1,4).
Mais sans les firmes…
Le vaccin mis au point par Afrigen utilise la séquence d'ARN messager publiée par l'Université Stanford et libre de droits (5). La compagnie sud-africaine espérait un accord avec la firme Moderna, qui a déclaré renoncer à ses droits de propriété industrielle le temps de la pandémie (4,5). Mais la firme Moderna a refusé d'aider Afrigen au plan technique, tout comme Pfizer-BioNTech, ce qui devrait faire passer le délai de mise au point d'une production de masse du vaccin de 1 à 3 ans (1).
Par ailleurs, la firme Moderna est poursuivie par deux compagnies canadiennes qui estiment que leurs brevets ont été enfreints dans la fabrication de son vaccin (6,7). Moderna a demandé en réponse aux autorités étatsuniennes de lui reconnaître le droit de ne pas respecter ces brevets, et donc de bénéficier d'une licence obligatoire, pourtant bête noire des firmes pharmaceutiques habituellement, quand les pays à bas revenus veulent les utiliser (6). Mi-2022, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est finalement arrivée à un accord a minima, facilitant un peu pour certains pays l'utilisation de licences obligatoires en matière de vaccin covid-19, mais cela ne changera rien pour le projet sud-africain (8).
Un enjeu considérable
La technologie des vaccins à ARN messager a montré son intérêt dans le covid-19 et pourrait avoir des retombées dans d'autres domaines médicaux. La bataille des droits de propriété industrielle sur cette technologie est vive et explique sans doute pourquoi certains acteurs économiques considèrent le modèle sud-africain comme un précédent dangereux pour leurs intérêts particuliers (1). Peu importe, pour ces acteurs, les importants retards de vaccination en Afrique que cela peut entraîner.