En 2023, et probablement pour longtemps encore, les preuves les plus solides pour s'assurer de l'efficacité d'un traitement proviennent d'essais comparatifs, réalisés selon une méthodologie rigoureuse afin que cette comparaison ne soit pas faussée. Autrement dit, quand il s'agit de s'assurer qu'un traitement est plus efficace qu'un autre, ou plus efficace que l'absence de traitement, rien n'est aussi solide et fiable que les essais comparatifs randomisés en double aveugle (alias double insu) utilisant des critères cliniques d'évaluation pertinents (lire aussi "Prouver l'efficacité d'un traitement"). N'en déplaise à ceux qui considèrent que cette étape retarderait l'accès des patients aux "innovations" et proposent, pour gagner du temps, d'exploiter les résultats d'observations faites "en vie réelle" à l'aide de nouvelles méthodes d'analyse statistique, ou de constituer des "groupes témoins virtuels" grâce à l'intelligence artificielle.
En 2023, et probablement pour longtemps encore, des essais cliniques comparatifs bien conçus et bien conduits, menés avec des patients "en chair et en os", sont nécessaires pour choisir en connaissance de cause entre différents traitements, dans l'intérêt de tous les patients.
Cependant, tous les essais comparatifs randomisés en double aveugle n'apportent pas le même niveau de preuves : certains sont entachés de biais qui faussent leurs résultats. Et à niveaux de preuves similaires, différents essais ont parfois des résultats contradictoires. Toutes choses qui compliquent leur analyse. Or peu de professionnels de santé ont à la fois l'expérience et le temps nécessaires pour analyser eux-mêmes les essais et mettre en perspective leurs résultats. Car il faut du temps pour apprendre à repérer les défauts méthodologiques d'un essai, rechercher et confronter toutes les données, s'assurer qu'un biais de publication n'a pas conduit à occulter les résultats de certains essais.
Il est alors légitime, pour gagner du temps, de s'en remettre à d'autres. Mais à qui ? À des leaders d'opinion dont on sait mal à quel point leur lecture des données d'évaluation est sélective et biaisée ? Ou à des équipes indépendantes des firmes et de divers groupes de pression, qui s'efforcent de procéder à une analyse méthodique de l'ensemble des données disponibles ?
Faire preuve d'esprit critique dans le choix de ses sources d'information et acquérir quelques notions d'analyse des essais cliniques permettent de faire le tri en confiance entre les prétendues innovations et les progrès thérapeutiques qui comptent pour les patients, et valent la peine de courir les risques auxquels ils exposent.