Prédire… pour quoi faire ?

Cartomanciens, chiromanciens et autres astrologues sont des personnes censées prédire des événements personnels futurs concernant l'amour, l'argent ou la santé. Rien d'étonnant à cela : c'est leur "cœur de métier". Plus étonnant peut-être est le fait que, dans certaines situations, des professionnels de santé prédisent aussi, de manière plus ou moins explicite, des événements concernant la santé des patients.

Une situation fréquente est celle par exemple des patients atteints d'un cancer à un stade avancé. La prédiction d'une durée de vie écourtée est en général accompagnée de décisions qui lui sont étroitement liées.

D'autres situations de soins sont aussi sources de prédictions. Par exemple, quand on dit à un fumeur que sa consommation de tabac risque fort d'écourter sa vie, et qu'il a tout intérêt à l'arrêter. Ou quand la consommation d'alcool d'une personne est jugée nocive pour sa santé. Dans de tels cas, on dispose de données solides qui montrent une corrélation entre ce type de consommation et la réduction de l'espérance de vie. Et surtout, on dispose de données suffisamment solides montrant que leur arrêt (ou leur diminution) allonge l'espérance de vie. De telles données justifient de se risquer à des prédictions concernant la santé de ces personnes et de leur fournir des conseils, dans leur intérêt. Libre à elles de les suivre ou non.

Depuis quelques décennies, des scores clinicobiologiques fondés sur des modèles mathématiques ont été développés pour prédire le risque d'accident ou de mort cardiovasculaire à moyen ou long terme. Plus récemment, le "score calcique coronaire", tiré d'un algorithme fondé sur une imagerie cardiaque, a permis d'affiner la prédiction du risque d'accident cardiovasculaire (lire aussi "Score calcique coronaire"). Ce score semble prédire correctement "l'avenir cardiovasculaire" de nombreux patients. Mais pour quoi faire ? Début 2024, l'intérêt clinique de prendre en compte ce score pour proposer ou non un traitement médicamenteux en prévention d'un premier accident cardiovasculaire n'est pas démontré. On peut bien sûr émettre l'hypothèse que ce score pourrait avoir un intérêt pour renforcer la motivation de certains patients à adopter des mesures préventives. À condition de ne pas négliger l'hypothèse d'un surcroît d'anxiété nocive pour d'autres, ni le risque de débuter un traitement inutile. Quoi qu'il en soit, cela reste à démontrer avec des données comparatives.

Avant d'entreprendre des examens destinés à une prédiction, tout comme avant d'entreprendre des dépistages, il est crucial de se poser la question préalable : pour quoi faire et avec quels risques ?

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