Différences

En 2020 en France, la part des femmes dans la population active était à peu près équivalente à celle des hommes. Pourtant, selon un rapport du Sénat analysé dans ce numéro ("Travail : la santé des femmes à la peine"), la santé des femmes au travail souffre de nombreux angles morts dus à un défaut d'approche genrée.

Une première explication est la ségrégation constatée dans le monde du travail. L'emploi féminin est concentré dans quelques secteurs spécifiques : médico-social et action sociale, santé, enseignement, services, nettoyage. Et au sein d'un même secteur, les femmes effectuent souvent des tâches différentes de celles des hommes. Une deuxième explication est l'idée largement répandue, mais erronée, que les "métiers féminins" sont plus légers et moins dangereux. Ainsi, si les hommes effectuent plus souvent des travaux requérant la force physique, les femmes sont plus souvent astreintes à des tâches répétitives tout aussi usantes. Et quand des charges lourdes sont portées, il s'agit généralement d'objets pour les hommes et de personnes pour les femmes, ce qui entraîne des risques différents. Mais, comme l'a montré l'ergonome Karen Messing, la parole des femmes est moins souvent entendue et leur souffrance davantage ignorée. Ce qu'elle appelle « l'invisible qui fait mal ».

Cette sous-estimation des risques auxquels les femmes sont exposées au travail entraîne un défaut de prévention et un déficit de reconnaissance des atteintes physiques et psychiques qu'elles subissent. Le défaut de prévention est attesté par l'augmentation du nombre d'accidents du travail chez les femmes salariées pour la période 2001-2019, alors qu'il a diminué chez les hommes au cours de la même période. Le défaut de reconnaissance est attesté par des tableaux de maladies professionnelles inadéquats : reconnaissance tardive des troubles musculo-squelettiques et non-reconnaissance des risques psychosociaux qui affectent davantage les femmes, absence de tableau pour le cancer du sein alors que des facteurs de risque professionnels sont connus.

Une prédominance des standards masculins, des équipements de protection individuelle inadaptés au corps féminin, et des agressions sexistes plus fréquentes à l'égard des femmes, sont sources de maux parfois profonds, souvent cachés.

Prendre en compte les différences propres au genre peut aider à prévenir et à réparer. Ce n'est ni discriminer ni stigmatiser. Et au-delà du genre, connaître et respecter les différences en dépassant les stéréotypes et les préjugés est essentiel pour proposer des soins de qualité.

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