L'agent n'est pas infectieux mais l'épidémie est mortelle. Patente en Amérique du nord. Mais ses morts touchent aussi l'Europe, y compris la France. Chaque jour des dizaines de personnes meurent d'une surdose d'opioïde liée à la consommation de drogues illicites ou de médicaments opioïdes, prescrits ou non par des professionnels de santé. Les surdoses d'opioïdes sont mortelles parce que ces substances inhibent le centre de la respiration. Parfois jusqu'à l'arrêt de la respiration, puis du cœur. Sans secours rapide, la personne meurt en quelques minutes.
L'antidote des opioïdes est connu depuis plus de 40 ans : la naloxone, un antagoniste des récepteurs aux opioïdes. Ce médicament efficace sauve des vies. Son utilisation est relativement simple, justifiée sans attendre l'arrivée d'équipes d'urgence. Ses effets indésirables, y compris en cas d'erreur diagnostique, pèsent peu face à son efficacité.
En France, la naloxone en solution injectable a d'abord été réservée à un usage hospitalier. Puis dans les années 1990, elle est devenue disponible en officine, les médecins pouvant alors se la procurer pour leur trousse d'urgence. Début 2018, deux nouvelles spécialités à base de naloxone sont autorisées pour une utilisation avant arrivée des secours, l'une en seringue préremplie pour injection intramusculaire, l'autre en spray nasal (lire aussi "naloxone nasale (Nalscue°) et surdoses d'opioïdes", "naloxone (Prenoxad°) en kit pour injection IM dans les surdoses d'opioïdes"). La réglementation prévoit que ces nouvelles présentations de naloxone soient accessibles en officine avec ou sans ordonnance. Elle prévoit aussi une dispensation gratuite dans des structures de soins accueillant des personnes dépendantes aux opioïdes, connues en France sous leur acronyme Csapa ou Caarud.
Cette mise à disposition élargie de la naloxone est un progrès. Mais, pour sauver plus de vies, il est possible d'aller plus loin.
À l'instar de la mise à disposition du grand public des défibrillateurs automatisés externes pour lutter contre la mort subite, ou de celle des préservatifs pour lutter contre l'épidémie de HIV, faisons preuve d'imagination pour ouvrir l'accès à cet antidote efficace et peu dangereux, dans tous les lieux où des opioïdes sont utilisés. En ouvrant l'accès à toutes les personnes en capacité d'agir : les utilisateurs d'opioïdes, leur entourage, les soignants, les "profs", les pompiers, la police, les employés de boîtes de nuit, etc. Faciliter l'accès à cet antidote, jour et nuit, dans des lieux prévus et connus des personnes témoins de surdose d'opioïde, nécessite de s'organiser et d'inventer. Et d'adapter en conséquence conditionnement du produit, tout autant qu'information et formation des personnes.