La pandémie de covid-19 a été l'occasion d'une très forte exposition médiatique de la recherche médicale, de ses méthodes, de ses incertitudes, de ses controverses et de ses manipulations. Parmi les questions débattues avec passion figure celle des essais comparatifs, sous les angles scientifique et éthique.
La question centrale de l'incertitude
Au début du 21e siècle, le consensus scientifique international est que la meilleure démonstration de l'efficacité d'un traitement repose le plus souvent sur la conduite d'essais comparatifs, de préférence randomisés et en aveugle. Ces essais permettent de montrer au mieux un lien de causalité (et non une simple association statistique) entre un traitement et l'évolution de la santé des patients (1).
Côté éthique, outre l'obligation légale d'obtenir le consentement éclairé des personnes participant aux essais (le comparateur étant le meilleur traitement avéré), deux aspects sont déterminants : que l'essai soit conçu et réalisé selon une méthode qui garantisse au mieux la fiabilité des résultats ; que l'essai cherche à répondre à une question dont la réponse est incertaine avant l'issue de l'essai, situation dénommée d'"équipoise" ou d'ambivalence (2,3).
Distinguer certitude collective et conviction personnelle
En France et ailleurs, les débats ont pris un caractère particulièrement passionné autour de l'hydroxychloroquine (Plaquénil°), promue directement auprès du grand public au printemps 2020 dans la maladie covid-19, sur la base de résultats d'études en réalité non probants (4). Selon le responsable de ces études, les essais comparatifs avec l'hydroxychloroquine seraient devenus non éthiques, au motif qu'il n'y aurait plus d'incertitude (5).
Dès 1987, un spécialiste de l'éthique des essais cliniques avait souligné qu'il n'était plus éthique d'effectuer des essais quand la communauté scientifique internationale avait acquis une certitude ; mais certainement pas devant la simple conviction personnelle de tel ou tel médecin ou groupe de médecins (2,6,7).
Un débat faussé
Les dégâts scientifiques et éthiques de l'engouement pour l'hydroxychloroquine sont notamment d'avoir détourné beaucoup d'attention et d'énergie sur un médicament dont l'efficacité dans la maladie covid-19 n'était au mieux qu'une hypothèse.
Les personnes qui ont cru durablement à l'hydroxychloroquine ont été abusées sur le degré d'incertitude concernant ce médicament.
L'accumulation des preuves que l'hydroxychloroquine n'a pas l'efficacité escomptée et probablement une balance bénéfices-risques défavorable dans le covid-19 a montré grandeur nature les risques qu'il y a à utiliser des médicaments sur la base de preuves insuffisantes.
Cela est vrai aussi quand les agences du médicament autorisent à la hâte des médicaments sur des données trop fragiles.