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Les actions en 2013 (récapitulatif)
Règlement européen sur les essais cliniques : le Conseil doit encore renforcer la transparence et la protection des participants (Juillet 2013)

Bruxelles, le 10 juillet 2013

Dans une lettre conjointe, 7 organisations appellent les Représentants permanents (CoRePers) et ministres de la santé des États membres à encore améliorer la proposition de Règlement de la Commission Européenne.

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Lettre conjointe aux Ministres de la santé des États membres et aux Représentants permanents des États membres (CoRePers) 

La proposition de Règlement relatif aux essais cliniques de la Commission européenne vise avant tout à « renforcer l'attractivité de l'UE en matière de recherche clinique », mais aux dépends de la protection des participants aux essais (a).

Le 29 mai 2013, les eurodéputés membres de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire (Commission ENVI) ont adopté leur rapport sur la proposition initiale de la Commission européenne (290 amendements) ; le vote en séance plénière est prévu mi-novembre 2013. Si le Conseil confirme les améliorations apportées par la Commission ENVI du Parlement européen, le nouveau Règlement pourrait constituer un progrès en termes d'accès public aux résultats des essais cliniques. Cependant, afin d'éviter l'affaiblissement de la protection des personnes enrôlées dans les essais, le Conseil doit encore améliorer la proposition de Règlement.

Nous avons identifié quatre importantes améliorations à apporter :

1. Rétablissement des Comités d'éthique, garants de la protection des participants aux essais

Avec la proposition de déconnecter l'évaluation dite "scientifique" (effectuée par un État membre rapporteur et dont les conclusions s'imposent aux autres État membres concernés), et l'évaluation dite "éthique" (qui reste effectuée par chaque État membre mais se limite en pratique à vérifier le respect de la procédure de consentement), la Commission européenne propose en réalité de retirer aux États membres leur souveraineté quant à l'appréciation de l'acceptabilité d'un essai clinique.

  • Nous vous appelons à :
    • sécuriser les avancées obtenues en termes d'éthique : rétablissement des Comités d'éthique, avec autorisation de se prononcer sur l'évaluation "scientifique" (une évaluation éthique inclut aussi une évaluation de la méthodologie et les deux aspects sont indissociables) (amendements 2, 64, 77 et 79) ; de plus, il doit être clarifié par le Conseil que l'avis du Comité d'éthique est contraignant (b) ;
    • refuser la généralisation d'une procédure d'autorisation tacite, afin d'éviter qu'un essai ne soit autorisé sans qu'un Comité d'éthique ne se soit prononcé, ce qui est contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

2. Renforcement des exigences de transparence quant aux résultats des essais cliniques

La "publication sélective" des seuls résultats favorables au médicament biaise les analyses scientifiques et les décisions des Agences du médicament (c).

Conscients de la nécessité de permettre des analyses indépendantes, les députés européens ont proposé un compromis basé sur la politique d'accès aux documents de l'Agence européenne du médicament de 2010 :  inscrire que les données cliniques contenues dans les rapports d'études cliniques (eux-mêmes définis par l'amendement 76) « ne doivent pas être considérées comme commercialement confidentielles une fois une autorisation de mise sur le marché (AMM) obtenue ou une fois le processus de décision relatif à une demande d'AMM terminé » (amendement 30 créant un nouveau considérant).

Cette exigence est très raisonnable. Elle correspond à ce que prévoit de mettre en place l'Agence européenne dans le cadre de la révision de sa politique d'accès aux documents (d).

  • Nous vous demandons donc de soutenir l'amendement 30, et aussi d'ajouter cette exigence dans un article du Règlement. Une position claire du Conseil en faveur de la liberté d'information des citoyens européens et de l'accès public aux résultats des essais cliniques est nécessaire pour permettre à l'Agence européenne de pouvoir se défendre dans le cadre de la procédure qui l'oppose à deux firmes qui remettent en cause devant la Cour de Justice de l'Union européenne sa politique d'accès aux documents de 2010.
  • Nous vous demandons aussi de renforcer encore les exigences de transparence en demandant la publication des rapports d'études cliniques au plus tard 5 ans après la fin de l'essai clinique si la firme n'a pas encore demandé d'AMM, afin d'éviter que ces résultats ne soient à jamais perdus pour la science si la firme ne demande finalement pas d'AMM.

3. Clarification des définitions, notamment de celle d'un "essai à faible risque"

Les députés européens ont voulu soutenir la proposition de la Commission de créer une nouvelle catégorie d'essais "à faible intervention" pour les médicaments déjà sur le marché.

Les députés ont cependant compris les dangers de la tendance de ces dernières années où de plus en plus d'AMM sont octroyées avant que ne soient produites suffisamment de données quant à l'efficacité et à la sécurité du médicament (e). Les députés ont donc explicitement inclus les essais post-autorisation dits d'efficacité et de sécurité portant sur des médicaments autorisés depuis moins de 10 ans dans la définition des essais cliniques "standard", afin qu'ils ne puissent pas être considérés comme des essais cliniques "à faible risque" (amendement 57).

  • Nous vous appelons à soutenir la clarification des définitions demandée par les députés européens, notamment afin d'éviter que certains essais cliniques puissent être, par défaut, considérés comme des "études non-interventionelles" ;
  • Nous appelons à la plus grande prudence avec les essais "à faible risque", notamment en :
    • garantissant que les participants aux essais "à faible risque" puissent être indemnisés en cas de dommages, comme demandé par les députés européens (amendement 235) (f) ;
    • refusant que les essais "à faible risque" puissent porter sur des médicaments hors AMM même si cet usage repose sur « suffisamment de données publiées sur et/ou sur des recommandations thérapeutiques » (refuser les amendements 56, 60) ; et en refusant qu'ils puissent être conduits sans que le consentement éclairé des patients n'ait à être obtenu (refuser les amendements 17, 34 et 167).

4. Renforcer la pharmacovigilance avant mise sur le marché

Les essais cliniques ont aussi pour vocation d'évaluer la tolérance des patients aux nouveaux médicaments.

Le Règlement prévoit la notification par le promoteur de l'essai à l'Agence des effets indésirables graves seulement s'ils sont « inattendus ».

Des exemples récents ont rappelé la grande difficulté des firmes à signaler les effets indésirables de leurs médicaments aux autorités sanitaires. Étant à la fois "juge et partie", elles ont tendance à estimer que les effets indésirables ne sont pas liés à leur produit, voire à les dissimuler le plus longtemps possible (g).

  • Nous vous appelons à demander la notification par l'investigateur (le clinicien) de tous les effets indésirables graves, qu'ils soient « attendus » ou non, via le portail centralisé, afin d'éviter des retards préjudiciables dans le processus de décision, notamment lorsque des mesures urgentes de protection des participants sont nécessaires.


Association Internationale de la Mutualité (AIM)
Collectif Europe et Médicament (MiEF)
Centre Cochrane Nordique
TransAtlantic Consumer Dialogue (TACD)
Health Action International (HAI) Europe
WEMOS
International Society of Drug Bulletins (ISDB) 

Organisations cosignataires

AIM. The Association Internationale de la Mutualité (AIM) is a grouping of autonomous health insurance and social protection bodies operating according to the principles of solidarity and non-profit-making orientation. Currently, AIM's membership consists of 41 national federations representing 29 countries. In Europe, they provide social coverage against sickness and other risks to more than 150 million people. AIM strives via its network to make an active contribution to the preservation and improvement of access to health care for everyone. More info: www.aim-mutual.org. Contact: corinna.hartrampf@aim-mutual.org.

Nordic Cochrane Center. The Nordic Cochrane Center is part of the Cochrane Collaboration. The Cochrane Collaboration is an international not-for-profit international network of more than 28,000 dedicated people from over 100 countries preparing, maintaining and promoting the accessibility of systematic reviews of the effects of health care. More information: www.cochrane.org. Contact: pcg@cochrane.dk

HAI Europe. Health Action International (HAI) Europe is a non-profit, European network of consumers, public interest NGOs, health care providers, academics, media and individuals working to increase access to essential medicines and improve their rational use through research excellence and evidence-based advocacy. More info: www.haieurope.org. Contact: ancel.la@haieurope.org

ISDB. The International Society of Drug Bulletins (ISDB), founded in 1986, is a worldwide Network of bulletins and journals on drugs and therapeutics that are financially and intellectually independent of pharmaceutical industry. Currently ISDB has around 80 members in 41 countries around the world. More info: www.isdbweb.org. Contact: press@isdbweb.org

MiEF. The Medicines in Europe Forum (MiEF) was launched in March 2002 and reaches 12 European Member States. It includes more than 70 member organizations representing the four key players on the health field, i.e. patients groups, family and consumer bodies, social security systems, and health professionals. Such a grouping is unique in the history of the European Union and is testament of the importance of European medicines policy. Contact: pierrechirac@aol.com

TACD. The Transatlantic Consumer Dialogue (TACD) is a forum of US and EU consumer organisations which develops and agrees on joint consumer policy recommendations to the US government and European Union to promote the consumer interest in EU and US policy making. More information: www.tacd.org. Contact: tacd@consint.org or hammerstein.david3@gmail.com

Wemos. Wemos influences international policy in such a way that the right to health is respected, protected and promoted. In doing so, Wemos devotes special attention to vulnerable sections of society. Wemos advocates ethical conduct, coherent policy and equal access to care. Its lobbying work focuses on lasting improvements in Dutch, European and global policy. More information: www.wemos.nl. Contact: annelies.den.boer@wemos.nl

©Prescrire Juillet 2013

Notes :
a- Pour plus de détails, se référer à notre analyse conjointe ("Proposition de nouveau Règlement sur les essais cliniques – analyse conjointe" 5 février 2013, disponible > ICI) ou lire Kuhrt N "Unwitting Guinea Pigs: EU Seeks To Reduce Patient Protection in Medical Trials" 24 juin 2013 (www.spiegel.de).
b- Selon l'article 9(1) de la Directive 2001/20/CE, "le promoteur ne peut commencer un essai clinique qu'après délivrance d'un avis favorable de la part du comité d'éthique et pour autant que l'autorité compétente de l'État membre concerné n'ait pas signifié au promoteur d'objections motivées". Le considérant 11 de la Directive 2001/20/CE confirme qu'une autorisation administrative "implicite" par l'autorité compétente des États membres [généralement l'Agence du médicament] est envisageable uniquement "en cas de vote positif du Comité d'éthique".
c- C'est ainsi qu'en Europe, en 2009, de nombreux gouvernements ont stocké des millions de doses de Tamiflu° pour lutter contre la grippe A/H1N1 alors que l'efficacité du Tamiflu° dans la prévention des complications grippales n'est pas démontrée et même peu probable, gaspillant ainsi des milliards d'euros. Les autorités de santé ont pris des décisions sans avoir vu l'ensemble des données (plus d'exemples sont présentés dans la campagne du BMJ en faveur de l'accès aux données accessible sur www.bmj.com/open-data).
d- De plus, cette exigence est cohérente avec la position du médiateur européen qui a jugé que les rapports d'études cliniques ne contiennent pas de données commercialement confidentielles ni de données personnelles (les données cliniques des participants sont préalablement anonymisées) (BMJ 2011, 342:d2686). Cela a été confirmé par l'étude approfondie du contenu de 78 rapports d'étude clinique par deux chercheurs de la Cochrane Collaboration début 2013 (BMJ Open 2013;3:e 002496).
e- Les autorités demandent alors aux firmes de réaliser des études post-autorisation.
f- La Directive 2001/20/CE avait rendu obligatoire la souscription d'une assurance obligatoire pour la conduite de tous les essais sur l'être humain.
g- De nombreux exemples, bien documentés, existent :
- Healy D "Let them eat Prozac" New York: New York University Press, 2004.
- "GlaxoSmithKline to plead guilty and pay $3 billion to resolve fraud allegations and failure to report safety data". July 2012. www.justice.gov : 3 pages.
- "European Medicines Agency acts on deficiencies in Roche medicine-safety reporting". July 2012. www.ema.europa.eu : 2 pages.   

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