Le Palmarès 2023 du conditionnement

Quand Prescrire évalue la balance bénéfices-risques d'un médicament ou étudie sa praticité, le conditionnement est un élément important à analyser. Contribue-t-il à assurer la sécurité des patients et de leur entourage ? Les éléments qui le composent sont-ils sources d'erreurs ou de dangers ? Le conditionnement permet-il une utilisation pratique du médicament, notamment une mesure précise de la dose ?

L'analyse du conditionnement tient compte de nombreux paramètres : situation clinique ; patients concernés, en particulier femmes enceintes, enfants, personnes âgées ; personnes éventuellement impliquées dans la préparation et l'administration du médicament (infirmier, entourage, aidant) ; contexte des soins, notamment en urgence, dans un établissement de soins, ou en dehors d'un hôpital dans le cadre d'une prescription, d'un conseil pharmaceutique, d'un achat via internet ; etc.

Tous les aspects du conditionnement sont analysés sous l'angle de la qualité des soins et de la sécurité des utilisateurs et de leur entourage, notamment :

  • la lisibilité des dénominations communes internationales (DCI) et la différenciation des dosages au sein d'une gamme de médicaments ;

  • la clarté des informations présentées sous forme de schémas, plans de prise, pictogrammes ;

  • les dispositifs de préparation, de mesure ou d'administration des doses ;

  • le risque pour une personne, tout particulièrement un enfant, d'ingérer le médicament alors qu'il ne lui est pas destiné, à l'insu de son entourage ;

  • l'intérêt informatif et pédagogique des notices, notamment les parties qui concernent les instructions d'utilisation, les effets indésirables, les situations et groupes de patients à risque particulier, ainsi que l'information accessible via un QR code présent sur certaines boîtes.

Ce Palmarès du conditionnement porte sur les conditionnements de médicaments analysés par Prescrire au cours de l'année 2023. Deux "Palmes du conditionnement" récompensent des conditionnements particulièrement bien conçus. Mais divers médicaments aux conditionnements sources d'erreurs ou de dangers font l'objet d'un "Carton rouge du conditionnement".

PALMES 2023 DU CONDITIONNEMENT

Un conditionnement bien conçu pour administrer de fortes doses de dexaméthasone par voie orale

Dexliq° solution buvable (dexaméthasone) - Theravia (n° 473)

La dexaméthasone est un corticoïde autorisé notamment dans le myélome multiple, à la dose de 20 à 40 mg par prise. Le conditionnement de la spécialité de dexaméthasone Dexliq° satisfait les critères de qualité et de sécurité attendus pour un flacon multidoses de solution buvable. La DCI est bien visible sur la boîte. Le flacon est pourvu d'un bouchon-sécurité qui limite l'accès des enfants à la solution. La seringue doseuse est graduée en milligrammes, ce qui correspond à l'unité des posologies préconisées dans le résumé des caractéristiques (RCP). La mesure de la dose s'effectue sans étape de conversion de la dose dans une autre unité, ce qui réduit notablement le risque d'erreurs. La mise à disposition depuis mi-2023 de cette spécialité permettant notamment une prise unitaire inférieure ou égale à 20 mg de dexaméthasone, dans un conditionnement bien conçu, est un progrès.

Un conditionnement qui contribue à sécuriser l'utilisation du fentanyl nasal

Instanyl° DoseGuard° solution pour pulvérisation nasale (fentanyl) - Takeda (n° 481)

Le fentanyl nasal est autorisé dans le soulagement des pics douloureux chez les patients atteints d'un cancer, en plus d'un traitement opioïde de fond bien conduit. La solution pour pulvérisation nasale de fentanyl sous le nom commercial Instanyl° a d'abord été commercialisée en flacon pulvérisateur multidoses contenu dans une boîte avec sécurité enfant, sans système de blocage des doses. Des flacons pulvérisateurs monodoses conditionnés dans un emballage muni d'un film-sécurité se sont ensuite ajoutés aux flacons multidoses, mais uniquement à l'hôpital.

En 2023, le nouveau conditionnement de la solution pour pulvérisation nasale de fentanyl, sous le nom de marque Instanyl° DoseGuard° (en remplacement de Instanyl°) est équipé d'un bouchon-sécurité sur le flacon et d'un bouton latéral de déverrouillage du pulvérisateur. Un système de gestion électronique des doses limite à 2 le nombre de pulvérisations successives, conformément à la posologie du RCP, qui mentionne un intervalle de 10 minutes entre 2 administrations pour traiter un même accès douloureux paroxystique.

En pratique, lorsque 2 doses successives sont administrées en moins de 60 minutes, un blocage automatique du pulvérisateur empêche toute nouvelle administration pendant 2 heures. Ce système est conçu pour limiter les surdoses accidentelles, qui peuvent être mortelles. Malgré une manipulation complexe lors des étapes d'amorçage et la nécessité de bien appréhender le système de blocage des pulvérisations, Instanyl° DoseGuard° répond à l'enjeu de sécurisation de l'utilisation des médicaments opioïdes pour les patients et leur entourage, notamment les enfants, tout en permettant une certaine flexibilité pour s'adapter à la douleur du patient, en ville comme à l'hôpital.

CARTONS ROUGES DU CONDITIONNEMENT

Formes orales sèches conditionnées en flacon-vrac

Bexarotène Cipla° capsules molles (bexarotène) - Cipla (n° 475)

Bylvay° gélules (odévixibat) - Albireo (n° 471)

Koselugo° gélules (sélumétinib) - AstraZeneca (n° 472)

Livtencity° comprimés (maribavir) - Takeda (n° 482)

Lomustine Medac° gélules (lomustine) - Medac (n° 482)

Lysorynx° comprimés à sucer (cétylpyridinium + lysozyme) - Chauvin (n° 479)

Méthylphénidate Arrow LP° gélules (méthylphénidate) - Arrow Génériques (n° 471)

Méthylphénidate Viatris LP° gélules (méthylphénidate) - Viatris Santé (n° 471)

Oxbryta° comprimés (voxélotor) - Pfizer (n° 481)

Qinlock° comprimés (riprétinib) - Deciphera Pharmaceuticals (n° 475)

Raxone° comprimés (idébénone) - Chiesi (n° 475)

Tavneos° gélules (avacopan) - Vifor Fresenius Medical Care Renal Pharma (n° 475)

Volibris° comprimés dosés à 2,5 mg (ambrisentan) - GSK (n° 480)

Contrairement aux plaquettes unitaires prédécoupées, le conditionnement en flacons-vrac complique l'identification des capsules molles, des gélules ou des comprimés sortis du flacon, par exemple lors de l'utilisation d'un pilulier. Par ailleurs, les flacons-vrac exposent à une dissémination de leur contenu, d'où une augmentation du risque de prise accidentelle par d'autres personnes, en particulier des enfants. Lors de la manipulation du médicament, ces flacons-vrac ne protègent pas suffisamment contre les dangers liés à la toxicité de certaines substances par ingestion ou contact.

Formes buvables en flacon sans bouchon-sécurité

Balsolène° solution pour inhalation par fumigation (teinture de benjoin du Laos + huile essentielle de niaouli + huile essentielle d'eucalyptus + lévomenthol) - Cooper (n° 479)

Carbocistéine Clarix 2 % enfants° sirop (carbocistéine) - Cooper (n° 476)

Carbocistéine Clarix 5 % adultes° solution buvable (carbocistéine) - Cooper (n° 476)

Fungizone° suspension buvable (amphotéricine B) - Cheplapharm (n° 472)

Fungizone nourrissons et enfants° suspension buvable (amphotéricine B) - Cheplapharm (n° 472)

Humex 5 % adultes expectorant sans sucre solution buvable (carbocistéine) - Urgo Healthcare (n° 476)

Humex toux sèche oxomémazine sans sucre° solution buvable (oxomémazine) - Urgo Healthcare (n° 476)

Humex toux sèche oxomémazine° sirop (oxomémazine) Urgo Healthcare (n° 476)

Oxomémazine Clarix° solution buvable (oxomémazine) - Cooper (n° 476)

Pentoxyvérine Clarix 0,15 % adultes° sirop (pentoxyvérine) - Cooper (n° 476)

Pentoxyvérine Clarix 0,15 % enfants° solution buvable (pentoxyvérine) - Cooper (n° 476)

Un simple bouchon ne protège pas suffisamment les enfants. Ceux-ci ont trop facilement accès au contenu du flacon et sont d'autant plus exposés au risque d'ingestion massive.

Parmi ces spécialités, la solution pour inhalation Balsolène° a parfois été confondue avec un sirop antitussif, et prise par voie orale, ce qui a entraîné des intoxications chez des adultes et des enfants, avec irritation des muqueuses digestive, oropharyngée et respiratoire, et des troubles cutanés et neuropsychiques.

En outre, certains de ces médicaments sont plus dangereux qu'utiles : l'oxomémazine, un antitussif antihistaminique H1 avec des propriétés neuroleptiques, et la pentoxyvérine, un antitussif d'action centrale, qui exposent tous deux, par exemple, à des troubles cardiaques, dont des allongements de l'intervalle QT de l'électrocardiogramme avec risque de torsades de pointes.

Risque d'erreurs lié à l'utilisation d'un flacon compte-gouttes

Effortil° solution buvable (étiléfrine) - SERB (n° 482)

Cette solution d'étiléfrine est contenue dans un flacon compte-gouttes. La préparation de la dose nécessite de compter parfois entre 20 et 60 gouttes, ce qui expose à des erreurs. Ce type de dispositif est déconseillé depuis 2016 par l'Agence française du médicament (ANSM) quand la posologie excède 10 gouttes par prise.

Conditionnements trop similaires, sources de confusion

Amiriox° collyre en solution (bimatoprost) - SIFI (n° 481)

Cortisédermyl° crème (hydrocortisone) - Cooper (n° 476)

Ecbirio° collyre en solution (bimatoprost + timolol) - SIFI (n° 479)

Herpésédermyl° crème (aciclovir) - Cooper (n° 476)

Humex 5 % adultes expectorant sans sucre solution buvable (carbocistéine) - Urgo Healthcare (n° 476)

Humex toux sèche oxomémazine° sirop (oxomémazine) - Urgo Healthcare (n° 476)

Humex toux sèche oxomémazine sans sucre° solution buvable (oxomémazine) - Urgo Healthcare (n° 476)

Mycosédermyl° crème (éconazole) - Cooper (n° 476)

Sédermyl° crème (isothipendyl) - Cooper (n° 476)

Les spécialités des gammes ombrelles Humex° et Sédermyl° contiennent diverses substances dont l'identification sur le conditionnement est rendue difficile par la prééminence des noms commerciaux. L'usage des noms de marque, Humex° et Sédermyl°, communs à tout ou partie des noms commerciaux de ces gammes, et une charte graphique commune contribuent au risque de confusions entre des spécialités qui ont pourtant des indications différentes et qui exposent à des risques différents.

Les boîtes des collyres Amiriox° et Ecbirio° se ressemblent en raison d'une charte graphique commune et de couleurs identiques, et peuvent être confondues notamment lors de la dispensation. La minimisation des mentions de DCI sur les boîtes n'aide pas à vérifier la composition de ces collyres, alors que l'un contient un bêtabloquant et l'autre non.

Minimisation dangereuse de la DCI

Antarène codéine° comprimés (ibuprofène + codéine) - Elerté (n° 474)

Humex rhume° comprimés (paracétamol + pseudoéphédrine) et gélules (paracétamol + chlorphénamine) - Urgo Healthcare (n° 476)

Klipal° comprimés (paracétamol + codéine) - Pierre Fabre Médicament (n° 471)

La minimisation des DCI sur les éléments de conditionnement d'Antarène codéine° rend difficile l'identification de l'ibuprofène associée à la codéine dans cette spécialité.

L'abandon du nom commercial Klipal codéine° pour celui de Klipal°, associé à certains choix graphiques, rend moins visible le fait que la codéine est associée au paracétamol dans cette spécialité.

Les DCI des substances contenues dans Humex rhume° sont minimisées sur la boîte, nettement moins visibles que le nom de marque. Sur la plaquette, les substances sont mentionnées pêle-mêle, sans distinction entre ce qui est contenu dans les comprimés « jour », et ce qui est contenu dans les gélules « nuit ».

Même au sein d'associations à doses fixes, toutes les substances contenues dans un médicament doivent être parfaitement identifiables sur tous les éléments de son conditionnement. D'autant plus quand la spécialité contient une substance dangereuse telle que la pseudoéphédrine.

Défauts d'information concernant la grossesse

Méthylphénidate Arrow LP° gélule à libération prolongée (méthylphénidate) - Arrow Génériques (n° 471)

Malgré les risques de malformations cardiaques en cas de prise pendant le premier trimestre de grossesse évoqués dans le RCP et la notice du Méthylphénidate Arrow°, fin 2023 aucun pictogramme "femmes enceintes" n'est présent sur la boîte de cette spécialité, contrairement aux autres spécialités de méthylphénidate commercialisées en France. L'absence de pictogramme est faussement rassurante pour les femmes traitées par Méthylphénidate Arrow°, qu'elles soient enceintes ou qu'elles envisagent de l'être.

©Prescrire