En novembre 2017, Prescrire a répondu à une consultation publique sur la "stratégie nationale de santé 2018-2022", plan pluriannuel structurant les grandes orientations de la politique de santé du gouvernement en France. La stratégie proposée consistait en un diagnostic de la situation, assorti d'une liste impressionnante d'objectifs de santé publique (1). Cependant, la présentation assez générale et peu précise de ces objectifs rend perplexe quant à la manière dont ils pourront être traduits en pratique (2).
Renforcer la prévention
Dans sa réponse à la consultation, Prescrire a souligné l'importance de lutter contre l'alcool et l'alimentation trop sucrée et/ou trop grasse, causes majeures en France d'années de vie perdues et de dépenses de santé (a)(2). Prescrire a aussi encouragé à renforcer le programme national de sécurité des patients afin que la sécurité des soins ne reste pas un concept, mais se traduise par des évolutions de pratiques professionnelles en France (2).
Ne pas brader l'évaluation des médicaments
En ce qui concerne plus particulièrement les médicaments, Prescrire a alerté quant à la dérive qui consiste à réduire progressivement les exigences d'évaluation clinique des médicaments (2). De nombreuses études montrent qu'un grand nombre de médicaments sont non seulement mis sur le marché sur la base d'une évaluation insuffisante, mais aussi que cette évaluation n'est pas suffisamment complétée après mise sur le marché (2). Prescrire a souligné que l'utilisation de « données en vie réelle » ne suffira pas à pallier cette insuffisance d'évaluation. En effet, les limites méthodologiques de ces données sont majeures (quel comparateur ? quelle randomisation ?), et elles ne permettent pas de savoir si la nouveauté constitue ou non un progrès pour les patients (2). De plus, cela revient à transformer les utilisateurs de ces médicaments en "cobayes", en les exposant à davantage de risques que lors d'essais cliniques rigoureux et validés par un comité d'éthique.
Juger sur pièces
Mi-2018, les objectifs affichés dans la "stratégie nationale de santé" ne semblent malheureusement pas toujours faire l'objet de décisions politiques à la hauteur des enjeux.
Les débats autour du projet de loi agriculture et alimentation sont à ce titre édifiants, avec notamment le rejet des amendements visant à interdire les publicités à destination des enfants pour des produits alimentaires trop gras, trop sucrés ou trop salés ; le rejet de l'amendement portant sur l'obligation d'afficher l'étiquetage nutritionnel avec code couleurs (Nutri-score) sur les supports publicitaires des denrées alimentaires (4). Sans parler de l'absence de volonté de lutter vraiment dans le domaine de la consommation de l'alcool (5).
Améliorer la situation sanitaire en France, tout particulièrement des personnes les plus défavorisées au plan sanitaire ou social, nécessite davantage que de lister des objectifs de santé publique. Il faut aussi assumer des décisions susceptibles de contrarier quelques intérêts économiques (6).
Notes
a- Il est par exemple estimé que, en 2010, l'alcool aurait été responsable de 810 000 années de vie perdues, soit davantage que le tabac (690 000), avec un coût social de l'alcool de l'ordre de 120 milliards d'euros par an (réf. 3).