Créée en 2000, l'Aide médicale de l'État (AME) permet aux personnes étrangères en situation irrégulière en France d'obtenir une prise en charge à 100 % de la plupart des soins et des frais médicaux, sous conditions strictes de résidence et de ressources (1). Les personnes susceptibles de bénéficier de l'AME font face à de nombreux obstacles pour obtenir ce droit. Une fois obtenu, les difficultés à se faire soigner les conduisent parfois à y renoncer (2).
Un énième débat autour de l'AME
Début novembre 2023, dans le cadre du projet de loi visant à « contrôler l'immigration », le Sénat français a introduit la suppression de l'AME et son remplacement par une aide médicale dite d'urgence (AMU), réduite à certaines situations de soins et avec des conditions d'obtention plus restrictives (3). Fin décembre 2023, après un parcours chaotique du projet de loi, l'AME a été maintenue avec un engagement de la Première ministre alors en fonction, de la réformer avant l'été 2024 en s'appuyant sur le rapport "Évin et Stefanini" (3,4).
L'absurdité d'une approche strictement comptable
En 2022, environ 411 000 personnes étaient bénéficiaires de l'AME : la proportion de celles ayant eu au moins un soin pris en charge était de l'ordre de 70 % (5). La part du budget annuel consacré à l'AME représentait 0,5 % du montant des dépenses de l'assurance maladie (6). La suppression de ce dispositif ne ferait pas disparaître ce coût. Réduire le périmètre des soins accordés aux personnes bénéficiaires de l'AME entraînerait des retards de diagnostic et de soins, ce qui contribuerait à aggraver l'engorgement des hôpitaux et des services des urgences. L'Espagne a observé une mortalité accrue des personnes en situation irrégulière, en expérimentant en 2012 la restriction de leur accès aux soins (7).
Faire preuve de bon sens et d'humanité
Le vote du Sénat a conduit un très grand nombre de soignants, de professionnels et d'acteurs associatifs à se mobiliser et s'élever contre la suppression de l'AME. Certains soignants ont déclaré qu'ils continueraient à soigner les personnes étrangères en situation irrégulière si la suppression de l'AME était votée (8,9).
La suppression ou l'affaiblissement de l'AME serait une incohérence en matière de santé publique, et contraire à la déontologie. Une telle décision ne serait envisageable… qu'à condition d'unifier les dispositifs de couverture sociale en garantissant un accès aux soins à toute personne résidant en France !
En pratique, en 2024, il importe surtout de simplifier l'accès à l'AME pour les personnes éligibles et de faciliter le travail de celles et ceux qui les soignent et les accompagnent.